Colloque en vidéoconférence intégrale
Inscription gratuite : https://u-bordeaux-montaigne-fr.zoom.us/meeting/register/tZUqcO6vrDMoHddng_I8-vODs59JwANheHSW
Organisation : Jean-Paul Gabilliet <Jean-Paul.Gabilliet@u-bordeaux-montaigne.fr>
A partir des années 1960, les revues bédéphiles de toutes natures prolongèrent
d’une part une longue histoire de la « petite » édition périodique culturelle (la small
press des domaines littéraires et artistiques dans le monde anglo-saxon), d’autre part
une histoire plus récente de l’édition périodique « philique », production à mi-chemin
entre les univers amateur et professionnel, structurée autour de « hobbys » n’ayant pas
encore accédé à la dignité implicite dont bénéficie l’engagement en faveur d’avant-garde
de domaines artistiques « consacrés ». Une trame chronologique rudimentaire de
l’édition périodique philique pourrait débuter au XIXe siècle avec les premières revues
sur la photographie et se poursuivre avec celles consacrées au cinéma et au jazz (1ère
moitié du XXe siècle), puis aux littératures policières et de science-fiction (aprèsguerre), pour arriver à la bande dessinée et aux musiques pop/rock seulement au début
de la décennie 1960.
Les revues spécialisées sur la bande dessinée constituent un domaine spécifique
au sein de la bédéphilie, dans la mesure où elles fonctionnent comme un espace
d’expression pour « spécialistes » depuis lequel connaissances et débats se diffusent
vers d’autres amateurs, vers les médias, vers des segments du grand public. Aux EtatsUnis, une histoire de ces revues a été esquissée par Bill Schelly, via l’histoire des réseaux
de fans dans les années 1960 et 1970 ; mais là aussi, l’analyse serrée de la bédéphilie
spécialisée sous forme périodique reste à faire. Quelques revues marquantes ont eu
l’honneur d’articles rétrospectifs sur le mode nostalgique, essentiellement dans d’autres
revues bédéphiles : Phénix remémoré dans Les Cahiers de la Bande Dessinée par Th.
Groensteen en 1985, Le Kiosque de Jean Boullet présenté dans Le Collectionneur de
Bandes Dessinées par M. Denni en 1998, par exemple. Si le corpus des principales revues
bédéphiles est depuis longtemps recensé dans l’argus Trésors de la bande dessinée BDM,
il faut encore mener à bien leur dépouillement et, comme c’est l’ambition du projet
MEDIABD, une indexation permettant de rendre visibles les axes de force à l’origine des
discours sur la bande dessinée qui se sont constitués dans les pages de ces revues depuis
plus d’un demi-siècle. En parallèle reste à découvrir toute une production de fanzines à
petit tirage et à diffusion surtout locale, dont la diversité reflète les états de la bédéphilie
hors des « scènes bd » des métropoles culturelles nationales.
Dans un deuxième cercle, les écrits bédéphiles tels que chroniques, critiques et
articles historiques à l’intérieur des revues de bandes dessinées de statuts très divers
(pour enfants-ados franco-belges dans Tintin et Spirou ou adulescents post-68 dans
Charlie Mensuel, par exemple) manifestaient la transmission en direction de publics
élargis de discours sur la bande dessinée qui circulaient jusqu’alors seulement parmi les
auteurs, éditeurs et amateurs éclairés. Le site bdoubliees.com a permis un travail de
repérage préliminaire de ces types de contenus mais ils n’ont à ce jour fait l’objet
d’aucune analyse approfondie.
Dans un troisième cercle enfin, les discours sur la bande dessinée trouvaient peu
à peu droit de cité dans les périodiques d’information généraliste ou spécialisés hors BD
comme autant de témoignages de la pénétration dans la sphère publique d’une nouvelle
sensibilité à un moyen d’expression longtemps marginalisé socialement et
culturellement.
Dans le bouillonnement actuel des recherches universitaires sur la bande
dessinée, le projet MEDIABD cherche à mettre fin au paradoxe que constitue l’angle mort
de la recherche qui fait que les ressources sur la bande dessinée publiées en support
revues restent insuffisamment exploitées, alors même qu’elles constituent un corpus
d’informations considérables sur la réception des bandes dessinées au fil du temps, sur
les auteurs, les événements et, en elles-mêmes, sont des sources primaires à prendre en
compte dans tout regard diachronique porté sur les divers pans constitutifs de la
bédéphilie au sens large.