Journée d’études « Veillir en migrations »

Le 21 mars 2025, une journée d’étude co-organisée par les laboratoires Migrinter, MIMMOC et la Chaire Senghor en francophonie nord-américaine s’est tenue à la MSHS. Intitulée « Vieillir en migration », cette manifestation a été consacrée aux enjeux de vieillissement en contexte migratoire dans une perspective internationale (Canada, Cuba, France, Cap Vert, Suisse, Maroc et Tunisie) et interdisciplinaire (travail social, anthropologie, sociologie). Les intervenant.es ont proposé une lecture critique de la place que les personnes âgées occupent dans les situations migratoires, tant dans les sociétés de départ que d’arrivée. En s’appuyant sur des enquêtes de terrain, elles ont mis en relief l’importance de déconstruire un regard âgiste posé sur les phénomènes migratoires.
Programme
Ariane Le Moing – MIMMOC et Adelina Miranda – Migrinter
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Journées d’étude « Pédagogie de l’alternance : perspectives critiques »
Les 13 et 14 mars dernier ont eu lieu deux journées d’étude sur la question de la pédagogie de l’alternance, organisées par le GRESCO, Séverine Depoilly, Mathias Millet et Fanny Renard. Question d’actualité s’il en est.
Il s’est agi de revenir sur l’expression en usage de « pédagogie de l’alternance » en faisant en sorte de la prendre au mot sur un plan historique et sociologique. Il est en en effet d’usage, dans les travaux sur la formation professionnelle, de parler de « pédagogie de l’alternance », ce qui laisse entendre que l’alternance est une pédagogie ou porte un projet proprement pédagogique.
Or, d’une part, si de nombreux travaux évoquent cette question de l’alternance et de la pédagogie de l’alternance, cette dernière est rarement placée au centre de l’objet, et la description des modes de transmission, de la nature des savoirs et des méthodes qui lui sont associés est le plus souvent passée sous silence.
D’autre part, on peut se demander dans quelle mesure l’alternance, comme mode de formation, relève d’un véritable projet pédagogique ou plus simplement d’une « pédagogie » – au sens où une relation pédagogique, comme l’a montré Guy Vincent, s’invente dans l’ancienne Europe comme relation autonome, distincte des autres temps et lieux sociaux (et donc du travail), associée à des conceptions de l’enfance, des savoirs organisés à l’écrit, codifiés et des méthodes de transmission formalisées (règles, exercices, logiques de progression, etc.) – ou si l’expression est une simplification de langage.
Car, en effet, les travaux conduits sur ces questions soulignent souvent combien l’alternance a pu être, historiquement, un compromis bien davantage qu’un projet sinon pédagogique du moins de formation.
Pour répondre à cette question et se demander à partir de quel moment l’usage de l’expression « pédagogie de l’alternance » constitue une contradiction dans les termes ou un abus de langage, les journées ont réuni un ensemble de spécialistes, principalement historiens et sociologues, spécialistes de la formation professionnelle, autour de cinq tables rondes : 1/ Les fondations historiques de l’alternance ; 2/ Regards croisés sur la pédagogie de l’alternance ; 3/ De quoi la pédagogie de l’alternance est-elle faite. Logiques de formation, curricula et relation école-entreprises ; 4/ Les produits de l’alternance. Ce que l’alternance fait aux apprentis ; 5/ Perspectives critiques depuis le modèle Suisse, du point de vue du Lycée Professionnel et du modèle artisanal.
L’intérêt était ainsi de faire un état des lieux historiques et sociologiques de ces pratiques souvent nommées et convoquées, mais plus rarement prises de front comme objet d’étude à part entière ; et d’examiner quels savoirs professionnels sont acquis en entreprise et comment. Le sujet apparaissait d’autant plus « brûlant » et important que l’alternance est l’objet d’un travail idéologique et politique contemporain tous azimuts visant à la promouvoir comme la solution à bien des problèmes, en particulier celui du chômage des jeunes, et comme manière plus efficace et « moderne » pour l’école de former les nouvelles générations à l’emploi, l’entreprise, l’entrepreneuriat, etc.
Séverine Depoilly, Mathias Millet et Fanny Renard – GRESCO
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Saison croisée France-Brésil : le Fonds Raymond Cantel mis à l’honneur
Le 14 février dernier, dans le cadre des festivités marquant la Saison croisée France-Brésil, la journée d’études internationale « Fonds Cantel en évolution : conservation, communicabilité et dernières recherches France-Brésil » a eu lieu à la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société (MSHS), organisée par Angélica Amâncio et Karina Marques, chercheuses rattachées au CRLA-Archivos et co-responsables du Fonds Raymond Cantel de littérature de cordel.
Cet événement, soutenu par l’Ambassade de France au Brésil, avait pour objectif de proposer une réflexion conjointe sur l’évolution du Fonds Raymond Cantel de 2018 à nos jours. Cette année, le cordel, littérature de colportage brésilienne, a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel brésilien, aux côtés de ses éléments connexes : la xylogravure et la déclamation performative (cantoria).
Avec plus de 5 000 livrets de poèmes, le Fonds Raymond Cantel est le plus grand d’Europe et l’un des plus importants au monde. La reconnaissance du Cordel comme patrimoine culturel immatériel doit beaucoup aux actions menées par son fondateur, Raymond Cantel (1914-1986), ancien professeur de portugais et d’espagnol, et doyen de la Faculté des Lettres et Langues de l’Université de Poitiers.
La journée a été ouverte par la conférence de Francisca Pereira dos Santos (Fanka), de l’Université Fédérale du Cariri (UFCA), poétesse et chercheuse, qui a fait don d’une collection de textes écrits par des femmes. Elle a été suivie par Michel Riaudel, ancien professeur de portugais et directeur du projet du portail Biblioteca Virtual Cordel ; les co-directrices du fonds qui ont mis en relief l’importance du travail réalisé par des stagiaires de la licence et du master de LEA ; et Olivier Salomon, spécialiste en propriété intellectuelle. La matinée s’est achevée par un récital de poèmes interprétés par d’actuelles étudiantes en LEA.
L’après-midi a accueilli de jeunes chercheuses spécialistes du genre, Solenne Derigond, Mariana Ananias et Milla Pizzignacco. Cette dernière a conçu une exposition sur le poète et xylograveur Dila de Caruaru, montée à la Bibliothèque de Lettres et Sciences Humaines du 17 février au 31 mars. En collaboration avec l’IEB (Institut d’Études Brésiliennes), de l’Université de São Paulo (USP), une troisième table ronde a eu lieu, à distance. Centrée sur le rôle de Cantel et de son fonds, elle a réuni les chercheurs Marco Haurélio Farias (Unicamp) et Sylvia Nemer (Fondation Casa de Rui Barbosa), ainsi que les professeurs Rosilene Alves de Melo (Université Fédérale de Campina Grande) et Paulo Teixeira Iumatti (IEB-USP).
L’événement a été marqué par le don de la collection de Sylvie Debs — ancienne maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg et spécialiste du cordel — à la Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines, en vue de son intégration au Fonds Cantel. La conférence de clôture s’est tenue en présence d’Anne-Sophie Traineau-Durozoy, responsable du Service des collections remarquables, suivie par la cérémonie de remise de la collection. La journée s’est achevée dans une atmosphère conviviale autour d’un buffet de spécialités brésiliennes et portugaises.
Le travail dans le Fonds Cantel se poursuit avec d’autres stagiaires de LEA portugais qui ont récemment réalisé leurs stages au CRLA-Archivos. Sous la surveillance de Fanka (à distance) et des co-directrices du Fonds, des livrets de poèmes écrits par des femmes, incorporés depuis peu, ont été traités, et des nouveaux documents appartenant à la collection biobliographique de Cantel ont été numérisés et ont nourri le portail Biblioteca Virtual Cordel.
Angélica Amâncio et Karina Marques – CRLA-Archivos
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La MSHS inaugure sa Bédéthèque à l’occasion de la sortie de résidence de Pierre Mischieri-Peillet
Le 1er avril 2025, la Maison des Sciences Humaines et Sociales (MSHS) de Poitiers a inauguré sa bédéthèque, un fonds documentaire entièrement dédié à la bande dessinée, créé à l’initiative du 3RBD (Réseau Régional de Recherche en Bande Dessinée de Nouvelle-Aquitaine).
Cette inauguration s’est tenue à l’occasion de la sortie de résidence de Pierre Mischieri-Peillet, accueilli par l’Université de Poitiers pour une résidence de création de septembre 2024 à mars 2025. Pour la huitième année consécutive, la Maison des Étudiants a offert à un auteur de bande dessinée un temps d’immersion au sein de l’université.
Cette année, Pierre Mischieri-Peillet s’est emparé de la thématique : « L’Université de Poitiers dans le futur ». Il en résulte Un mouvement si vaste, une bande dessinée publiée aux éditions FLBLB, qui imagine une université écologique, autogérée et résolument tournée vers la pluridisciplinarité.
Des croquis, brouillons et planches originales de l’auteur ont été exposés au centre de documentation de la MSHS (du 1er avril au 2 mai) et offrent un aperçu du processus de création de l’album, jusqu’à son rétroplanning annoté.
Ce double événement marque une nouvelle étape dans le développement des projets autour du 9ème art à l’Université de Poitiers, à la croisée de la recherche et de la création.
Laurie Dhekissi – FoReLLIS
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Le Métis sacrificiel : autochtonie, rivalités et colonialisme au Canada
Le 3 mars 2025, le géographe canadien Étienne Rivard (Université de Saint-Boniface) a présenté à la MSHS les conclusions de son plus récent ouvrage, intitulé Le Métis sacrificiel : les habits neufs du colonialisme au Canada (2024, Presses de l’Université Laval).
L’auteur s’est interrogé sur les mécanismes qui président à la pérennité du colonialisme canadien. Pour ce faire, il s’est appuyé sur une longue expérience en études postcoloniales et métisses (les Métis, fruits des métissages euro-autochtones historiques, sont l’un des trois peuples autochtones reconnus par la Constitution canadienne), ainsi que sur la théorie mimétique de René Girard (1923-2015). La présentation s’est faite en trois temps. Dans le premier, Etienne Rivard a fait le point sur les réalités et les enjeux, historiques et contemporains, liés à l’identité métisse au pays. Dans un deuxième temps, il a exposé les principaux éléments de la théorie girardienne en s’attardant, d’une part, sur les rivalités mimétiques qui animent les groupes métis au pays au nom de la reconnaissance, et d’autre part, sur la question du sacrifice ou de la désignation de « boucs émissaires ». Dans un dernier temps, il a exposé en quoi les rivalités métisses et les processus de bouc-émissairisation se combinent pour exposer l’existence tenace du rituel sacrificiel qui se trouve au cœur même de la culture institutionnelle canadienne, lequel rituel perpétue une forme de « paix violente » qui permet de maintenir l’ordre colonial à l’échelle du pays. Cette paix violente fait battre en retraite tout aspiration autochtone à la souveraineté territoriale et, du même souffle, consacre l’autochtonisation de la société allochtone dominante.
Une copie du Le Métis sacrificiel est disponible au fonds documentaire IEAQ du Centre de documentation de la MSHS.
Arianne Le Moing, André Magord et Étienne Rivard – IEAQ
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Résister à la pollution sonore et préserver l’écoute
Colloque international : « pollution sonore, préservation de l’écoute : propositions filmiques » (MSHS, mars 2025)
Au-delà d’une prise de conscience contemporaine de nuisances sonores qui contribuent de manière massive à la pollution de notre environnement, jusqu’à la notion de « guerre sonore » qui a récemment pu être avancée, le colloque international organisé par Robert Bonamy et Mathias Lavin (respectivement Professeurs en études cinématographiques à l’Université de Poitiers et à l’Université Paris 1) a permis d’évaluer certaines modalités à travers lesquelles des films proposent des voies inédites ou prospectives en relation avec une telle situation particulièrement dégradée.
Le colloque Pollution Sonore, Préservation de l’écoute, Propositions filmique fait partie du projet Recherches documentaires – Créadoc (Université de Poitiers, UP² IMPULSIONS 3) qui fait dialoguer réalisatrices et réalisateurs de documentaires sonores avec des universitaires, selon les approches propres à la recherche-création et à la recherche-curation. Il est conduit au sein de l’UR 15076 FoReLLIS, en partenariat avec d’autres laboratoires nationaux et internationaux – l’Institut Acte (UR 7539, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) étant ainsi partenaire du colloque.
Le colloque s’est ouvert le 18 mars 2025 avec une conférence très éclairante de Lúcia Ramos Monteiro (Professeure à l’ Universidade Federal Fluminense, au Brésil) avant la projection au TAP cinéma, devant un public venu en nombre, du long-métrage de la cinéaste brésilienne Maya Da-Rin. La Fièvre (2019) propose un portrait éminemment sonore d’un protagoniste Amérindien déraciné, atteint par les bruits lancinants de la zone portuaire de Manaus où il travaille et happé par le puissant appel de la forêt amazonienne.
Les deux journées organisées à la MSHS de l’Université de Poitiers, les 19 et 20 mars 2025, ont ensuite permis d’approfondir la recherche sur la pollution sonore à partir de différents points de vue faisant converger des méthodologies diverses. Plusieurs analyses esthétiques et théoriques, ou des approches liées à l’anthropologie visuelle, incluant alors une dimension sonore, ont ainsi contribué à une exploration des écologies du son et de la destruction des environnements sonores à partir d’un corpus varié de films de fiction ou de documentaires de création. Des propositions portant sur des œuvres afférentes au film, du côté de la création sonore autonome, sont venues enrichir les réflexions ; à cet égard, l’intervention de Frédéric Dallaire, Professeur à l’Université de Montréal et Professeur invité en mars 2025 à l’Université de Poitiers, s’est avérée très stimulante. Le colloque a également été marqué par des interventions de chercheurs-artistes, en particulier l’exposé de Budhaditya Chattopadhyay (artiste sonore né en Inde et travaillant actuellement à l’Université de Bergen en Norvège après en doctorat en recherche-création) et la performance avec projection en pellicule 16 mm et mixage sonore en direct de Charles-André Coderre (doctorant en recherche-création à l’Université de Montréal).
À travers les interventions de chercheuses et chercheurs de générations et de spécialités différentes, le colloque a également mis en valeur les remaniements et prolongements nécessaires de la notion de « paysage sonore » (‘soundscape’) forgée dans les années 1970 par Raymond Murray Schafer et son groupe de recherche à Vancouver. En mettant en jeu les interactions et déplacements entre domaines sonores et cinématographiques, plusieurs communications ont ainsi convoqué les travaux de Hildegard Westerkamp pour étudier des propositions filmiques en termes d’écologie acoustique.
Pendant les deux journées, la soixantaine d’auditrices et d’auditeurs présents en permanence ont ainsi contribué à questionner, avec et par les exemples filmiques, les problématiques particulièrement urgentes de la pollution sonore et de la préservation de l’écoute, dans toute leur réalité matérielle.
En raison de la qualité de l’événement, un ouvrage collectif, issu des interventions du colloque, est actuellement en préparation. Son objectif sera notamment de remettre en travail certaines notions esthétiques pour l’analyse du son au cinéma, tout en en proposant de nouvelles, inspirées des recherches contemporaines en sound studies, afin de mieux approcher les dimensions politiques et artistiques soulignées par plusieurs réalisations filmiques pleinement soucieuses du sonore et de l’écoute.
Robert Bonamy et Mathias Lavin – FoReLLIS
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