La "Chronique X " : essai
de reconstitution d'un
manuscrit méxicain du début
de
l'époque
coloniale à partir de
sources dérivées
Sylvie Peperstraete
____________________________
♦ Les hypothèses sur la Chronique X
♦ Tentative de reconstitution
♦ La nature de la Chronique X
♦ Les autres sources rattachables à la Chronique X
♦ Conclusion
♦ Bibliographie
Table des matières
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Ce que nous savons des anciens Mexicains doit certes à l’archéologie et aux codex pictographiques des indigènes. Mais, pour une part relativement minime. L’essentiel de notre savoir se fonde sur quelques chroniques. Chroniques dont les textes, censurés, mutilés, perdus, oubliés, n’ont jamais tenté l’investigation scientifique moderne. Il apparaît vite que ce que l’on sait de l’univers des Mexicains avant la Conquête est bâti sur l’œuvre de quelques hommes. (1)
Nombre de documents ne sont connus qu’à travers ceux qui s’en sont inspirés. Ainsi, le manuscrit que l’on a coutume d’appeler Chronique X constitue un exemple bien connu des spécialistes du Mexique ancien. Cette source majeure sur la civilisation aztèque, écrite en nahuatl et illustrée, rapportait l’histoire des Mexicas depuis leurs origines mythiques jusqu’à la Conquête espagnole. Bien que disparue à l’heure actuelle, elle est parvenue jusqu’à nous à travers des documents de seconde main, dont les principaux sont deux adaptations en espagnol datant du dernier quart du XVIe siècle : l’Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra Firme (1581) du religieux dominicain d’origine espagnole Diego Durán et la Crónica mexicana (ca. 1598) de l’historien indien Fernando Alvarado Tezozomoc.
Conservé à la Bibliothèque Nationale de Madrid, le manuscrit de l’Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra Firme se compose de trois sections ou traités distincts (histoire – dieux et rites – calendrier indigène), de longueur inégale. Seul le premier, qui compte 78 chapitres, a puisé dans la Chronique X ; c’est donc uniquement celui-ci qui retiendra notre attention dans le cadre de cet article. L’œuvre est en outre illustrée de dessins en couleurs, dont certains dérivent également de notre Chronique.
Le manuscrit de la Crónica mexicana, conservé à la Bibliothèque du Congrès à Washington, n’est en revanche pas illustré. Ses 112 chapitres ont néanmoins, tout comme le premier traité de l’ouvrage de Durán, trouvé leur source d’inspiration dans la Chronique X.
On comprend dès lors l’utilité d’une analyse comparative détaillée des ouvrages de Durán et de Tezozomoc. D’une part, elle permet d’accéder à une meilleure connaissance de notre source. D’autre part, elle aide à clarifier les relations entretenues par la Chronique X avec les quelques autres documents du XVIe et du début du XVIIe siècle qui peuvent lui être rattachés.
Barlow publia en 1945 l’article qui a servi de point de départ à mes recherches. Il fut le premier à postuler l’existence d’une source commune à Durán et à Tezozomoc, émit une série d’hypothèses à son sujet et en proposa même une méthode de reconstitution.
Cette reconstitution du contenu de la Chronique X m’est rapidement apparue comme une étape indispensable afin de disposer d’une base de travail certaine, l’utilisation de la Chronique X à travers les ouvrages de Durán et Tezozomoc posant souvent problème. Nos deux auteurs, bien qu’ils aient tous deux utilisé la Chronique X comme source principale de leurs traités historiques, ne se sont en effet pas bornés à une traduction littérale du nahuatl vers l’espagnol. Ils ont interprété leur source, l’ont expliquée, adaptée à leurs objectifs respectifs et ont de plus eu recours à quantité de sources additionnelles.
Or, Barlow n’appliqua sa méthode de reconstitution qu’à un seul épisode de l’histoire mexica, la guerre contre Tlatelolco, à titre d’exemple, et force est de constater que les mexicanistes montrent peu d’empressement pour poursuivre le travail. Si beaucoup admettent la nécessité d’une reconstitution du contenu de la Chronique X (2), tous reculent devant l’ampleur de la tâche. C’est à ce projet que je me suis attelée.
Les hypothèses sur la Chronique X
L’article de Barlow (1945)
Le traité historique de l’Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra Firme de Durán et la Crónica mexicana de Tezozomoc se ressemblent souvent de façon saisissante. Ainsi, des listes de présents offerts lors d’une fête, les dimensions d’un monument ou encore les noms des ambassadeurs envoyés auprès d’un seigneur voisin se retrouvent à l’identique chez nos deux auteurs. C’est pourquoi Barlow postula l’existence d’une source commune actuellement perdue, qu’il baptisa Chronique X. Notre auteur développa son hypothèse en quatre propositions :
1. L’Historia de Durán et la Crónica mexicana de Tezozomoc dérivent directement d’une même histoire (3).
Or Durán fait allusion, à de nombreuses reprises, à une historia mexicana (4), document écrit qu’il affirme traduire (5). Une lecture même rapide permet de se rendre compte que Tezozomoc, bien qu’il ne cite pas de source, a fait de même : les passages pour lesquels Durán cite son historia se retrouvent presque à l’identique chez Tezozomoc. Cette historia mexicana peut donc être identifiée à la Chronique X.
2. Cette histoire fut écrite par un indigène. (6)
La Chronique X est l’œuvre d’un Indien car, explique Barlow, elle présente la version indienne des événements : elle charge les Espagnols, tandis que la brutalité dont font preuve les Mexicas lors de leurs conquêtes est décrite avec tranquillité ; elle met l’accent sur des présages au caractère typiquement indien ; enfin, elle présume que le lecteur identifiera immédiatement les noms d’endroits et mentionne les « mois » du calendrier indigène où eurent lieu certaines conquêtes et certains sacrifices.
De surcroît, comme l’a remarqué Colston (7), Durán affirme que l’historia qu’il emploie fut « écrite de la main d’un Indien » (8). Mais on ignore si Durán le dit parce qu’il connaissait l’auteur ou si tout simplement il s’agit d’une supposition de sa part, à cause du texte en nahuatl.
Plus précisément, l’auteur était un Mexica Tenochca, car son récit est centré presque exclusivement sur Tenochtitlan. Peut-être appartenait-il à la famille du cihuacoatl Tlacaelel (9), mentionné par d’autres sources mais dont la Chronique X est la seule à chanter les louanges et à narrer les exploits, tous plus invraisemblables les uns que les autres.
3. Cette histoire fut écrite en nahuatl. (10)
Tezozomoc passe sous silence toute référence au document dont il s’est servi mais de nombreuses phrases ne sont pas traduites du nahuatl ou le sont mal (11), tandis que Durán affirme à deux reprises que le document qu’il a employé était écrit, précisément, en nahuatl : « car mon intention n’est autre que de traduire le mexicain dans notre langue castillane » ; « et ainsi s’achève le chapitre que j’ai trouvé écrit dans la langue mexicaine » (12).
La forme de rédaction des deux chroniques trahit également la langue d’origine du document-source : on note des rythmes et des réitérations, surtout conservés dans Tezozomoc – Durán admet souvent écourter les passages qu’il juge redondants – et l’emploi fréquent de métaphores propres au nahuatl, par exemple l’affirmation de Durán (13) selon laquelle l’historia n’indique jamais le nombre d’hommes qui se rendaient à la guerre mais les compare plutôt à des fourmis ou à des grains de sable.
4. Cette histoire contenait une série de dessins indigènes ; il est possible que ces dessins aient été l’armature sur laquelle fut construite la Chronique X disparue. (14)
Contrairement à ce qu’affirme Romero Galván (15) qui se base sur l’absence d’illustrations dans la Crónica mexicana de Tezozomoc et le fait qu’aucun des deux auteurs ne fasse explicitement allusion à des dessins provenant de leur source principale, la proposition de Barlow peut être acceptée sans réserve : d’une part, certaines illustrations de l’ouvrage de Durán, manifestement inspirées d’un codex, correspondent tout à fait à des événements décrits dans la Chronique X et propres à cette source et, d’autre part, certaines divergences entre les versions de Durán et de Tezozomoc peuvent s’expliquer par des interprétations différentes d’un même dessin.
Cependant, tous les dessins de la Chronique X n’ont donc pas été repris par les artistes ayant illustré le manuscrit de Durán, loin s’en faut – certains passages communs à Durán et à Tezozomoc sont des descriptions manifestes d’une illustration, qui devait donc figurer dans la Chronique X, mais ils ne correspondent à aucune illustration de l’ouvrage du dominicain –, et inversement toutes les illustrations de Durán ne viennent pas nécessairement de la Chronique X. L’iconographie de certaines d’entre elles, comme les scènes d’intronisation qui représentent simplement le roi sur son trône, est en effet bien trop répandue dans les documents d’origine indigène pour qu’on puisse se prononcer sur leur provenance, d’autant plus que nous savons que Durán a recouru à d’autres documents pictographiques (16). En outre, certaines images de l’ouvrage du dominicain illustrent une version des faits différente de celle rapportée par notre Chronique.
Hypothèses alternatives
Certains chercheurs, tels Lafaye, éditeur et traducteur du manuscrit Tovar, ou encore Colston (17), empruntant la voie opposée à celle de Barlow, se sont penchés sur les différences qui séparent les ouvrages de Durán et de Tezozomoc au lieu d’en étudier les analogies et, sans nier le lien étroit qui existe entre les deux manuscrits, ont estimé que ces différences remettaient en cause l’hypothèse d’une source écrite commune. Or, les divergences entre nos deux auteurs peuvent s’expliquer de façon assez simple et ce, sans devoir postuler des sources principales différentes pour Durán et Tezozomoc :
- Bien que Durán affirme ne faire que traduire sa source principale, ni lui ni Tezozomoc ne se sont limités à cela. Certains passages sont traduits littéralement mais d’autres sont simplement paraphrasés, d’autres sont résumés ou ôtés, d’autres enfin sont modifiés. Ensuite, nos auteurs ont souvent commenté, interprété, réorganisé leurs données, surtout Durán.
- L’original était rédigé en nahuatl, or nos deux chroniqueurs ont adapté le récit à l’espagnol ; même quand ils ont choisi de traduire un passage littéralement, il est tout à fait normal qu’ils n’aient pas utilisé exactement les mêmes mots.
- La Chronique X était illustrée et à plusieurs reprises, nos deux auteurs décrivent ou interprètent un même dessin de façon différente (18).
- Les deux chroniqueurs ont recouru à du matériel additionnel différent (19). Durán cite une série de sources complémentaires et il est également possible d’identifier plusieurs sources connues par ailleurs, qu’il a utilisées sans les citer (20). Quant à Tezozomoc, même s’il a suivi la Chronique X de plus près que Durán et ne cite aucune source, certains passages de son ouvrage trahissent également l’emploi de matériel complémentaire – ainsi, notre auteur connaissait vraisemblablement les écrits de Cristóbal del Castillo (21). La Chronique X fut la source principale, mais pas la source unique de nos deux auteurs.
Par conséquent, l’hypothèse de Barlow d’un document écrit et illustré que l’on peut identifier à l’historia mexicana dont parle Durán, utilisé comme source principale tant par le dominicain que par Tezozomoc, demeure valide et est de surcroît la seule à permettre de rendre compte de façon adéquate des similitudes entre les chroniques des deux auteurs, étant bien entendu que chacun l’a employé à sa façon et que l’un comme l’autre ont recouru à des sources additionnelles que l’autre auteur ne connaissait pas. Les démarches de Lafaye et de Colston n’en demeurent pas moins fort intéressantes en ce qu’elles ont permis de poser la question essentielle des divergences entre l’ouvrage de Durán et celui de Tezozomoc et ainsi de préciser et nuancer les hypothèses de Barlow.
Tentative de reconstitution
Méthode
Barlow consacra la seconde partie de son article sur la Chronique X à en proposer une méthode de reconstitution (22). Je l’ai prise comme point de départ, personne n’ayant plus abordé la question par la suite. Si la méthode qu’il suggère peut être appliquée dans les grandes lignes, il convient de lui apporter quelques correctifs.
1. On peut considérer comme données provenant de la Chronique X tout ce qui figure à la fois dans l’ouvrage de Durán et dans celui de Tezozomoc. (23)
Effectivement, puisque nos deux auteurs se sont servis de la Chronique X comme d’une base pour leurs chroniques respectives, quand des données sont identiques chez l’un et chez l’autre, c’est qu’elles proviennent de leur source commune. Il serait toutefois réducteur de se limiter à cela, Durán et Tezozomoc n’ayant pas suivi leur source de façon littérale mais ayant au contraire souvent sélectionné, résumé ou modifié ce qu’elle contenait. De sorte qu’on n’aurait qu’une vision partielle de la Chronique X si l’on s’en tenait à relever les passages communs. Bien sûr, un passage raccourci ou supprimé par les deux auteurs ne peut être interpolé, mais dans certains cas il est possible d’amplifier la liste des passages communs de données supplémentaires. C’est pourquoi Barlow poursuit:
2. Amplifier ces données de tout ce que Durán introduit par des phrases où il renvoie à sa source principale, telles que « cuenta la historia », même s’il s’agit d’épisodes condensés ou omis par Tezozomoc. (24)
De même, j’ajoute que quand Durán dit abréger ou supprimer une énumération mais que celle-ci figure dans Tezozomoc (25), on peut l’intégrer dans la reconstitution.
La Chronique X était écrite en nahuatl, mais l’Historia de Durán comme la Crónica mexicana de Tezozomoc sont toutes deux rédigées en espagnol. Inutile de préciser à quel point ces deux langues sont différentes. Chercher à fixer au mot près les traits de la source commune, en nahuatl donc, serait par conséquent une entreprise totalement vaine. Barlow propose cependant deux situations dans lesquelles on pourrait tout de même en déterminer la forme exacte :
3. Quand Tezozomoc emploie des termes en nahuatl, on peut les préférer aux généralités ou approximations que propose Durán en espagnol. (26)
Tezozomoc, resté plus proche de sa source principale que le dominicain, laisse en effet souvent des mots voire des propositions entières en nahuatl, quand il n’existe pas de terme équivalent en espagnol ou bien qu’il éprouve des difficultés de traduction. Dans des cas pareils, Durán préfère presque toujours soit donner un équivalent plus général (27) ou approximatif (28), soit, souvent lorsque le terme fait partie d’une énumération, le supprimer purement et simplement.
4. On peut comparer les versions des deux auteurs pour les noms de personnes et de lieux, pour pouvoir corriger, et substituer les formes reconstituées à chaque fois que l’on a affaire à une variante estropiée. (29)
Je ferai cependant observer que rien n’indique que la forme employée dans la Chronique X était correcte. Quand on a affaire à un nom correctement écrit chez l’un des deux auteurs et mal orthographié ou estropié chez l’autre, rien ne garantit que l’erreur vient de l’auteur en question ; peut-être figurait-elle déjà dans la Chronique X et l’autre auteur l’a-t-elle corrigée. Tout au plus peut-on dire que lorsque les deux auteurs font la même erreur, c’est que celle-ci doit provenir de la Chronique X.
5. La Chronique X était illustrée. (30)
Barlow propose donc d’en reconstituer les illustrations, en comparant les versions qu’en donnent Durán, le Codex Ramírez et le Manuscrit Tovar – la Crónica mexicana de Tezozomoc étant, rappelons-le, dépourvue d’illustrations. Mais une telle reconstitution est impossible puisque le Codex Ramírez comme le Manuscrit Tovar dérivent de Durán et non directement de la Chronique X (31). Nous ne disposons donc en fait pas de matériel de comparaison. De plus, comme on l’a vu ci-dessus, rien n’indique que toutes les illustrations de l’ouvrage de Durán soient issues de notre Chronique.
Par contre, il est possible de confronter les illustrations du manuscrit de Durán à la reconstitution du texte de la Chronique X : si des détails propres à notre Chronique y sont figurés, c’est qu’ils proviennent de cette source. En effet, même si ces illustrations nous sont parvenues à travers un style fort occidentalisé, elles dérivent incontestablement de modèles indigènes (les attitudes conventionnelles des personnages, l’occupation de l’espace, l’iconographie et surtout l’emploi de glyphes) et ne peuvent donc avoir été créées de toutes pièces pour illustrer le traité de Durán.
Présentation
J’ai donc procédé à cette reconstitution de la Chronique X (32) et je l’ai présentée comme suit : les textes des deux auteurs, mis en regard l’un par rapport à l’autre, sont repris dans leur intégralité et les passages communs y sont mis en évidence à l’aide de caractères gras. À partir de cela, les données communes sont présentées épisode par épisode et sont suivies d’un commentaire sur les éléments qu’il convient de leur ajouter (les termes en nahuatl, les renvois de Durán à son historia, etc). Ce processus de reconstitution est illustré par l’exemple de la page suivante. Il porte sur l’épisode où le roi Tezozomoctli allège le tribut des Mexicas (33).
DURÁN
...y así el rey Teçoçomoctli, viendo la voluntad de los de su reyno, determinó de alivialles la pension en las cosas mas graves, y dexalles las cosas que fácilmente pudiesen cumplir : y así invió sus mensageros á México y que dixesen al Rey y á los demas señores de su parte, que la causa de auer piedad dellos era justa, pues tenia su hija y nieto en aquella ciudad ; y quel tributo que hasta aquel dia solian dar ordinario que él lo quitaua, y que porque los de su corte no venian en que se les quitase todo, que de ay en adelante lleuasen cada año dos patos de los que se criauan en su laguna y algunos pezes y ranas, con las demas sauandijas que se crian en la laguna, y que descansasen, quel lo tenia por bien tomasen algun resuello de lo mucho que hasta entonces auian sido molestados y afligidos.
|
TEZOZOMOC
Luego que esto suçedió, dende algunos, <en>bió <en>baxadores el rrey Teçoçomoctli a los mexicanos, diziéndoles : « Señores y mexicanos, abed contento y alegría que el rrey Teçoçomoctli y toda n<uest>ra rrepública azcapuçalcas somos muy contentos que los n<uest>ros amigos y parientes los mexicanos descansen y sosieguen, que ya xamás abrá pesadumbre ni tributos ni seruiçios personales co lo era lo eran de antes, saluo que pescado, rranas y todo género de otro pescadillo pequeño que nasçe y se cría en el alaguna, con el yzcahuitle, tecuitlatl, axaxayacatl, acoçil, anenez, cocolli, michpilli, que esto tan solamente contribuyan y lleuen Azcapuçalco los mexicanos ; sobre todo, los patos de todo género dellos, que es el más prençipal rregalo de los propios
mexicanos ». |
Données communes
Tezozomoctli envoie des messagers aux Mexicas, leur disant qu’il les dispense de payer tribut à l’exception des canards, des poissons et des grenouilles que l’on trouve dans la lagune ; qu’ils se reposent.
Commentaire
La liste du tribut à payer comporte une série de termes en nahuatl dans Tezozomoc – « yzcahuitle, tecuitlatl, axaxayacatl, acoçil, anenez, cocolli, michpilli » – que Durán a abrégés en « las demas sauandijas ». |
Figure 1 : Exemple de reconstitution d’un passage de la Chronique X
Tezozomoctli allège le tribut des Mexicas
La nature de la Chronique X
Apparence générale de la Chronique X
A quoi la Chronique X ressemblait-elle ? La question est loin d’être évidente, tant les types de documents qui circulaient au Mexique au début de la période coloniale étaient variés.
À l’époque préhispanique, les documents pictographiques ou « codex » consignaient les principaux événements, les noms des lieux où ils s’étaient déroulés, le nom des protagonistes et la date, et ils servaient d’aide-mémoire aux spécialistes qui récitaient les traditions orales qu’ils avaient apprises par cœur, mais constituaient aussi une sorte de narration visuelle, que le récitant pouvait montrer et expliquer à son audience.
Après la Conquête, ces documents connurent une évolution et une diversification importantes. Très rapidement (34), le nahuatl fut doté d’un alphabet et toutes sortes de traditions orales furent mises par écrit. D’une part, on continua à réaliser des codex à la manière préhispanique, que l’on annota de façon plus ou moins développée – cela pouvait aller de simples gloses identifiant les personnages et les lieux représentés à un long texte qui transcrivait ou résumait la tradition orale rattachée à l’événement figuré. D’autre part, apparurent des documents uniquement en prose. Là encore, on pouvait trouver des commentaires complets de codex, récités par un spécialiste, ou bien des descriptions laconiques. Ces documents trahissent souvent leur origine, tant dans certaines phrases les auteurs s’expriment comme s’ils étaient en train de montrer à leurs lecteurs les figures peintes qu’ils ont sous les yeux : « ce soleil était 4 Jaguar », « ici c’est… », etc (35).
Voyons à présent de quel type de document notre source devait le plus se rapprocher. D’emblée, on remarque qu’il devait s’agir d’un document mixte, combinant texte en nahuatl et partie pictographique, cette dernière présentée soit encore sous la forme d’un codex – ou du moins en partie –, soit déjà adaptée à un rôle plus illustratif comme dans l’ouvrage de Durán. Graham est donc sans doute dans le vrai quand elle estime que la Chronique X ressemblait à un document comme l’Historia Tolteca-Chichimeca, qui mêle des parties pictographiques dérivant de codex et des explications écrites en nahuatl. (36)
Le texte de la Chronique X
Notre Chronique se présentait, selon toute vraisemblance, non sous forme d’annales – la méthode indigène standard pour enregistrer des données au Mexique central –, car elle est très floue sur le plan chronologique – seule une poignée de dates sont fournies, et elles ont avant tout une signification symbolique –, mais sous une forme privilégiant la narration.
Le texte était divisé en chapitres : à plusieurs reprises, les chapitres de nos deux auteurs commencent et finissent exactement au même endroit du récit (37), ce qui laisse penser que par moments – mais pas toujours, puisque le traité historique de Durán se compose de 78 chapitres tandis que la Crónica mexicana de Tezozomoc en compte 112 – ils ont suivi les subdivisions adoptées par leur source commune. Durán semble le confirmer lorsque, mettant fin à l’un de ses chapitres, il fait référence à une fin de chapitre de l’historia mexicana en affirmant qu’« ainsi s’achève le chapitre que j’ai trouvé écrit dans la langue mexicaine » (38). Il est probable que, comme on peut l’observer dans la version de Tezozomoc, qui est resté plus proche de la Chronique X que Durán, le récit était articulé en fonction des scènes et transitions visuelles figurées dans le codex sur lequel s’est appuyé l’auteur et non en fonction des étapes importantes de l’histoire.
La présence de discours et de dialogues rapportés de façon détaillée ainsi que d’éléments trop complexes à rendre par le dessin suggère une adaptation écrite d’une tradition orale récitée par un spécialiste devant un codex plutôt qu’une simple description des scènes représentées ; c’est d’autant plus vraisemblable que l’on relève souvent, dans la reconstitution, les caractéristiques d’un récit oral (répétitions mnémotechniques, recours à des anecdotes plus ou moins interchangeables pour enjoliver le récit et lui donner un caractère vivant,…).
De surcroît, en plus de son contenu purement historique, la Chronique X comportait plusieurs descriptions détaillées de rites (obsèques royales, fêtes des vingtaines dont surtout Tlacaxipehualiztli, inauguration de monuments…) et des listes de tributs payés à Mexico. Ces descriptions et listes sont vraisemblablement basées sur la situation telle qu’elle était juste avant la Conquête, sous Motecuhzoma II, et ont été intégrées dans un contexte historique pour les besoins du récit.
Les illustrations de la Chronique X
Quant à la partie pictographique de notre Chronique, faute de matériel de comparaison – la Crónica mexicana n’étant pas illustrée –, il est difficile de s’en faire une idée précise même s’il est certain qu’une série d’illustrations du traité historique de Durán doivent avoir directement puisé dans la Chronique X. Bon nombre d’entre elles contiennent en effet des détails que l’on retrouve dans le texte des deux auteurs et qui sont propres à la Chronique X. Beaucoup reprennent plusieurs moments d’un même épisode, souvent reliés entre eux par des traces de pas, comme dans les codex, pour indiquer les déplacements, et comportent des détails très précis tels que certaines parures décrites dans le texte ou des glyphes qui permettent d’identifier les protagonistes ou les lieux. Certaines sont de surcroît plus proches de la version donnée par Tezozomoc, qui a suivi la Chronique X plus étroitement que Durán, que de celle du dominicain dont elles sont pourtant censées illustrer l’ouvrage.
L’illustration qui, dans l’ouvrage de Durán, représente la fin de la guerre contre Tlatelolco (fig. 2) en est un bon exemple. Elle dépeint une succession de moments différents de la bataille, évoqués dans le texte des deux auteurs. La scène centrale représente un affrontement entre Axayacatl et un guerrier tlatelolca (les glyphes de leurs villes respectives, Tenochtitlan et Tlatelolco, leur sont accolés ; Axayacatl est en outre personnellement identifié par le glyphe de son nom), tandis que la fin de la bataille est représentée sur la droite : Axayacatl, figuré une deuxième fois – il porte les mêmes atours –, gravit les marches d’un temple et, au sommet, il est représenté une troisième fois, en train d’attaquer celui qu’on présume être Moquihuix. Deux autres personnages, qu’on suppose être Cacamatzin et Teconal, se battent également. Puis Moquihuix et Teconal sont représentés une seconde fois, morts, au bas des marches du temple.
C’est surtout le reste de l’illustration, plus spécifique, qui va nous intéresser. À l’arrière-plan se trouve un édifice, du haut duquel des femmes nues lancent des projectiles parmi lesquels figurent des sabres de tisserande. En outre, tout comme les deux autres femmes représentées dans le coin inférieur droit de l’illustration, elles font jaillir du lait de leurs seins. Or, Durán comme Tezozomoc évoquent cette anecdote (Durán : « ...las quales mugeres, así desnudas [...] mostrando las tetas y exprimiendo la leche dellas y rociando á los mexicanos » (39) ; Tezozomoc : « ...las mugeres desnudas [...] començaron arrojar de lo alto del cu escobas y texederas y urdideras otlatl, tzotzopaztli tzatzaztli, y esprimiendo la leche de los pechos, arrojándola a los mexicanos » (40)), qui devait donc figurer dans leur source commune, la Chronique X, et que l’on ne retrouve dans aucune autre source. Ces éléments indiquent à eux seuls que cette illustration a dû trouver son origine dans l’un des dessins de la Chronique X. Mais il y a plus : le détail des sabres de tisserande ainsi que celui de la situation des femmes au sommet d’un édifice ne sont mentionnés que par Tezozomoc, qui a suivi notre Chronique de plus près que Durán. Ces détails, auxquels le dominicain ne fait aucunement allusion dans son texte, ont donc forcément trouvé leur source d’inspiration dans une illustration de la Chronique X.
Figure 2 : Illustration n° 22 de l’Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra Firme de Durán, représentant plusieurs scènes de la bataille finale de Tenochtitlan contre Tlatelolco (41)
Par contre, faute de disposer d’une version de ces illustrations dans le manuscrit de Tezozomoc, qui permettrait de comparer, il est impossible de savoir si les artistes de Durán n’ont fait que reprendre des illustrations qui figuraient telles quelles dans la Chronique X en les transposant dans un style européanisé, ou s’ils ont sélectionné et adapté à un format tout autre certains fragments d’illustrations qui se présentaient encore sous la forme d’un codex dans la Chronique X.
Notons également que d’autres illustrations de notre Chronique, comme celle qui montrait les éléments ajoutés au temple de Huitzilopochtli lors de l’amplification d’Ahuitzotl, sont décrites tant par Durán que par Tezozomoc et figuraient donc dans leur source commune, mais n’ont pas été reproduites par les artistes de Durán (42). La partie illustrée de la Chronique X ne s’arrêtait par conséquent pas aux épisodes repris par les artistes du dominicain.
La date
Dans une étude publiée en complément à l’article de Barlow sur la Chronique X, Caso (43) entreprit de montrer par l’analyse d’une corrélation de dates indigènes et chrétiennes présente dans le Livre des Rites de Durán que le dominicain eut recours à une source datant de 1536-1539. Mais, outre le fait que Durán comprenait mal le fonctionnement du calendrier indigène et employa, sans s’en rendre compte, deux calendriers différents et contradictoires (44), les corrélations étudiées par Caso se trouvent dans le Livre des Rites et non dans l’Histoire, qui ne fournit pas de telles données. Or, notre auteur n’a employé la Chronique X que pour son traité historique, et ces corrélations ne peuvent donc en aucun cas indiquer des dates de composition potentielles pour la Chronique X (45).
Il faut par conséquent recourir à des éléments externes pour dater notre Chronique. Le terminus ante quem est bien sûr de 1581, puisqu’à cette date Durán achevait son Historia. Le terminus post quem est plus délicat à déterminer. La Chronique X était écrite en nahuatl et ne peut donc avoir été rédigée immédiatement après la Conquête, aussi rapide qu’ait été l’attribution d’un alphabet à la langue. Il s’agit en outre d’un texte relativement élaboré, ce qui amène à penser qu’une rédaction antérieure à la fin des années 1530 est hautement improbable. À titre indicatif, l’Historia Tolteca-Chichimeca, document dont l’apparence est assez proche de ce à quoi devait ressembler la Chronique X (46), est datée de ca. 1547-1560.
En revanche, le codex et la tradition orale qui l’accompagnait, qui constituèrent la base de notre Chronique, sont vraisemblablement notablement plus anciens. Il n’est pas impossible qu’ils aient été composés très peu de temps après la Conquête, car le récit en lui-même s’inscrit dans la plus pure tradition indigène.
L’auteur
Comme Barlow l’avait déjà noté (47), au vu du caractère éminemment partisan des faits rapportés, le compositeur de la tradition rapportée par la Chronique X était un Mexica Tenochca. Nicholson (48) et Colston (49) ont ajouté qu’il s’agissait peut-être d’un descendant du cihuacoatl Tlacaelel, mentionné par d’autres sources mais dont la Chronique X est la seule à chanter les louanges et à narrer les exploits, tous plus invraisemblables les uns que les autres, et Zimmermann (50) et Dyckerhoff (51) ont avancé le nom de don Pedro de Moteuhcçoma Tlacahuepantzin, fils de Motecuhzoma II et oncle de Tezozomoc qui le cite parmi ses informateurs dans l’introduction de sa Crónica mexicáyotl (52). Le descendant de Tlacaelel est plausible, mais on dispose de trop peu d’informations sur don Pedro pour se prononcer à son sujet.
Quant à la réalisation de la Chronique X proprement dite, deux possibilités existent : soit il s’agit de l’oeuvre d’un dépositaire de la tradition susmentionnée, éduqué par les missionnaires puisqu’il savait écrire, soit nous avons affaire à une transcription qui fut dictée à un religieux espagnol (53). Durán affirme que son historia mexicana était « écrite de la main d’un Indien » (54), ce qui incite à pencher en faveur de la première hypothèse. Toutefois, comme le remarque judicieusement Colston (55), peut-être s’agit-il d’une simple présomption de la part du dominicain, du fait que le texte était écrit en nahuatl.
Les autres sources rattachables à la Chronique X
Les ouvrages de Durán et de Tezozomoc présentent en outre des ressemblances indéniables avec d’autres manuscrits du XVIe et du XVIIe siècle, que l’on peut rattacher à la Chronique X en tout ou en partie, mais de manière plus indirecte. La comparaison de ces documents avec la reconstitution du contenu de la Chronique X permet de préciser la nature des relations qui les unissent, comme il apparaît sur la figure 3 ci-dessous.

Figure 3 : Les différents manuscrits liés à la Chronique X.
Deux documents sont antérieurs à la rédaction de l’ouvrage de Durán et sont à ce titre particulièrement intéressants : il s’agit d’une part de la première Histoire écrite par Tovar, perdue mais dont les circonstances de l’élaboration sont connues, et d’autre part du Codex Cozcatzin anonyme.
Puis viennent des documents à l’intérêt plus limité pour nous, puisque la ressemblance qu’ils présentent avec le contenu de la Chronique X vient du fait qu’ils ont puisé dans l’ouvrage de Durán : il s’agit de la Seconde Histoire de Tovar (dont deux versions, le Codex Ramírez et le Manuscrit Tovar, nous sont parvenues), de plusieurs chapitres de l’Historia natural y moral de las Indias d’Acosta et de certains passages de la Sumaria relación de Dorantes de Carranza.
Méritent une place à part, les œuvres de Chimalpahin, qui a écrit après Durán et Tezozomoc mais a employé pour certains passages des documents ayant appartenu à Tezozomoc dont sans doute la Chronique X ou des notes de Tezozomoc prises d’après la Chronique X, et surtout un autre ouvrage de Tezozomoc, la Crónica mexicáyotl, dont la seconde partie de la version des pérégrinations a puisé directement dans notre Chronique.
Le Codex Cozcatzin
Il s’agit du plus ancien document que l’on puisse rapprocher de la Chronique X. Ce codex anonyme fut rédigé en 1572 dans le cadre d’un litige relatif à la possession légitime d’une série de terres. Y figurent un récit de la guerre contre Azcapotzalco et un récit de la guerre contre Tlatelolco, suivis de la liste des terres qui furent distribuées à la suite de ces guerres, avec le nom de leurs propriétaires respectifs.
Or, certains des présages de la défaite de Tlatelolco – un vieillard en train de cuire des oiseaux dans une marmite se rend compte qu’ils lui parlent, puis d’autres animaux et un masque lui parlent à leur tour – y sont rapportés d’une façon très similaire à celle de la Chronique X (56). Barlow a comparé les deux versions et a conclu que les ressemblances étaient suspectes (57), malgré quelques différences – par exemple les oiseaux qui parlent dans la Chronique X sont des atzitzicuilome, tandis que dans le Cozcatzin ce sont des yancacenti canauhti totome. Au vu du type de différences, on peut soupçonner que la Chronique X et le Codex Cozcatzin ont, pour ce passage, mis par écrit deux lectures légèrement différentes faites à partir du même codex – l’oiseau dessiné dans le codex a par exemple pu être identifié comme de l’une ou de l’autre espèce.
Autre point commun avec la Chronique X, comme l’a observé Dyckerhoff (58), le Codex Cozcatzin parle de Tlacaelel de façon élogieuse, sur un ton très semblable à celui de la Chronique X. Le reste du manuscrit, en revanche, est non seulement bien moins détaillé que la Chronique X, mais comporte des différences majeures avec elle.
Les deux Histoires de Tovar et l’Historia natural y moral de las Indias d’Acosta
Le jésuite Juan de Tovar est l’auteur de deux Histoires des populations préhispaniques. La première, rédigée vers 1572-1578, est perdue et ce, depuis les années qui suivirent immédiatement son achèvement. Tandis que deux versions de la seconde, écrite entre 1582 et 1587, nous sont parvenues : elles sont connues sous les titres respectifs de Codex Ramírez et de Manuscrit Tovar et il s’agit en fait de résumés légèrement remaniés de l’ouvrage de Durán, qu’il connaissait bien. Tovar communiqua ensuite cette seconde Histoire à José de Acosta, qui s’en servit pour rédiger les chapitres 8 et 9 du livre V, la fin du chapitre 2 du livre VI et le livre VII de son Historia natural y moral de las Indias, publiée en 1589. La lettre que Tovar lui écrivit lorsqu’il lui fit parvenir son ouvrage nous renseigne sur les circonstances de l’élaboration de ses deux œuvres :
Le Vice-roi don Martín Enríquez ayant eu le désir de connaître l’histoire antique de ces peuples avec certitude, ordonna de réunir les bibliothèques qu’ils gardaient de toutes ces choses et les gens de Mexico, de Texcoco et de Tula les apportèrent, car c’étaient eux les historiens et les savants en ces matières. Le Vice-roi m’envoya ces documents et ces livres par l’intermédiaire du Docteur Portillo, ancien proviseur de l’Archevêché, en me chargeant de les lire et de les vérifier et d’en tirer une relation pour l’envoyer au roi. Je vis alors l’ensemble de cette histoire en caractères et en hiéroglyphes que je ne comprenais pas ; il fut donc nécessaire que les savants de Mexico, de Texcoco et de Tula vinssent me voir sur l’ordre du Vice-roi lui-même, et tandis qu’ils me disaient et me narraient les choses en détail, je rédigeai une Histoire très complète que ledit Docteur Portillo emporta une fois terminée, promettant d’en faire deux copies illustrées de belles peintures, une pour le Roi et l’autre pour nous. A ce moment-là il advint qu’il partit pour l’Espagne et il ne put jamais tenir parole, de sorte que nous ne pûmes récupérer l’Histoire. Mais je l’avais examinée alors et étudiée tout à loisir, une grande partie me restait en mémoire ; j’ai vu d’ailleurs un livre écrit par un frère dominicain, un parent à moi, qui concordait parfaitement avec les anciens codex que j’avais vus, et qui m’a aidé à me rafraîchir la mémoire pour faire cette Histoire que Votre Révérence vient de lire, en y mettant ce qu’il y avait de plus certain et en laissant de côté d’autres détails douteux et de peu de fondement. Telle est l’autorité de ce livre ; elle est très grande, à mes yeux, car outre ce que j’ai vu dans les livres des Indiens, j’en ai conféré avant la grande épidémie avec tous les vieillards dont j’avais appris qu’ils étaient savants en la matière, et aucun ne manifesta son désaccord, car tout cela était très notoire pour eux. (59)
Comme Tovar connaissait Durán et affirme avoir recouru pour sa seconde Histoire à l’ouvrage du dominicain, qui concordait avec les sources qu’il avait employées pour sa première Histoire, Barlow émit l’idée que la Chronique X a pu se trouver dans la collection de manuscrits rassemblés sur ordre du vice-roi Enríquez et être employée par Tovar pour sa première Histoire (60), hypothèse malheureusement invérifiable en raison de la perte de ladite Histoire et de sa source présumée. Cependant, la similitude de ces sources avec l’Historia de Durán doit avoir été considérable, au vu des remarques de Tovar. On ne peut donc pas écarter la possibilité que la Chronique X ait été un de ces « documents et livres » collectés des anciennes bibliothèques indiennes sur l’ordre du vice-roi Enríquez, ni que Tovar l’employa pour sa première Histoire.
La Sumaria relación de Baltasar Dorantes de Carranza
Le dernier auteur à avoir fait usage du manuscrit de Durán fut Baltasar Dorantes de Carranza, un fonctionnaire du vice-roi Enríquez et fils d’un compagnon d’Alvar Núñez Cabeza de Vaca. Il écrivit vers 1600-1604 une relation de mérites, la Sumaria relación de las cosas de la Nueva España con noticia individual de los descendientes legitimos de los conquistadores y primeros pobladores españoles, dans laquelle il inséra quelques données sur les populations et l’histoire du Mexique issues de l’Historia de Durán (61).
La Crónica mexicáyotl
Les activités d’historien de Tezozomoc ne se sont pas limitées à l’écriture de la Crónica mexicana. Il est également l’auteur d’une œuvre en nahuatl, la Crónica mexicáyotl (ca. 1609), extrêmement intéressante pour notre propos. Elle se compose d’une introduction de Tezozomoc (§ 1 à 13), du récit d’un certain Alonso Franco sur le début des pérégrinations mexicas (§14 à 34), du récit de la fin des pérégrinations suivies de l’installation à Mexico et du choix du premier tlatoani, Acamapichtli (§ 35 à 118), puis de la liste des tlatoque tenochcas et de leurs descendants à l’époque coloniale (§ 119 à 374).
Le récit de la seconde partie des pérégrinations – après le récit d’Alonso Franco donc –, de la fondation de Mexico et du choix d’Acamapichtli ainsi que, plus loin, un court paragraphe sur le repeuplement de l’Oaxaca (§ 202), peuvent être rapprochés de la version des faits de la Chronique X telle que nous la connaissons par l’ouvrage de Durán et la Crónica mexicana, ce qui n’a rien de tellement surprenant puisque l’auteur, Tezozomoc, a possédé la Chronique. Mais il y a plus. En fait, non seulement le contenu de ces passages est similaire à celui des ouvrages précités, mais il correspond aussi parfaitement, au détail près, à la Chronique X telle qu’il est possible de la reconstituer. On y trouve même des précisions dont on suppose qu’elles se trouvaient dans la Chronique X mais que Durán et Tezozomoc – dans sa Crónica mexicana – ont choisi d’abréger. Ainsi quand, lors de l’installation à Mexico, les dieux sont répartis dans les différents quartiers, Durán affirme qu’il ne va pas citer les noms des quartiers car ils ne sont pas importants pour son histoire (62), et la Crónica mexicana ne le fait pas non plus (63). La liste devait toutefois figurer dans la Chronique X puisque la répartition est évoquée par les deux auteurs et qu’à lire Durán, le dominicain avait manifestement la liste sous les yeux. Or, dans la Crónica mexicáyotl, à cet endroit précis (64), que voit-on ? La liste des quartiers en question.
De surcroît, la Crónica mexicáyotl est écrite en nahuatl, comme l’était la Chronique X et à la différence de la Crónica mexicana et du traité historique de Durán qui, même quand ils suivirent fidèlement leur source principale, durent l’adapter à l’espagnol. On peut donc supposer que pour les passages concernés, nous sommes très proches de ce que devait être le texte de la Chronique X, si nous n’avons pas tout bonnement affaire à des extraits de la Chronique elle-même, que Tezozomoc se serait contenté de copier.
Bien sûr, les passages qui nous intéressent ne concernent qu’une faible proportion de l’histoire aztèque. Cependant, même ainsi, nous avons à notre disposition un texte fondamental. Outre le fait qu’il apporte des précisions supplémentaires par rapport à Durán et à la Crónica mexicana, il permet de nous faire une idée très précise de ce que devait être la Chronique X, y compris de son style en nahuatl.
Domingo Francisco de San Antón Muñon Chimalpahin Quauhtlehuanitzin
Chimalpahin est un auteur très intéressant bien qu’il n’ait écrit qu’au début du XVIIe siècle, soit plus tardivement que Durán et Tezozomoc (65). Il a en effet possédé des documents ayant appartenu à Tezozomoc, dont la Crónica mexicáyotl, les a copiés et s’en est abondamment servi pour ses propres œuvres, en y ajoutant toutefois des amendements personnels. Il ne faut dès lors pas s’étonner que certains passages de notre auteur, particulièrement dans le Memorial de Colhuacan, les troisième, septième et huitième Relaciones et le Diario présentent une version des faits qui ressemble de façon suspecte à celle de la Chronique X (66). Parfois, ils sont plus précis que dans Tezozomoc, laissant supposer que Chimalpahin a eu recours à la Chronique X elle-même, ou à des fragments, ou à des notes prises d’après la Chronique X.
Conclusion
Cet article a permis de mettre en évidence l’utilité immédiate d’une reconstitution du contenu de la Chronique X disparue, établie à partir d’une comparaison minutieuse des ouvrages de Diego Durán et de Fernando Alvarado Tezozomoc.
D’une part, nous avons à présent une meilleure connaissance de ce à quoi devait ressembler le document original, de son contenu, de sa date de rédaction et de son auteur. Les mexicanistes ont en outre à leur disposition une base de travail fiable, permettant une manipulation aisée et une utilisation critique du contenu de notre Chronique.
D’autre part, la nature exacte des relations de la Chronique X avec une série d’autres documents, dont certains fréquemment employés par les spécialistes, a pu être définie avec précision. Ce dernier point se révèle particulièrement instructif de par les informations qu’il apporte et les questions qu’il suscite sur le métier d’historien et la façon d’écrire l’histoire aux XVIe et XVIIe siècles ; vaste problématique dépassant de loin la sphère mexicaniste pour intéresser tout un chacun.
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Notas
(1). Georges Baudot, Utopie et histoire au Mexique. Les premiers chroniqueurs de la civilisation mexicaine (1520-1569), Toulouse, Privat, 1977, p. ix.
(2). Par exemple : José Ruben Romero Galván, La Crónica mexicana de Hernando Alvarado Tezozomoc : manifestation d'une conscience de peuple conquis chez un auteur indigène du XVIe siècle, Thèse de doctorat, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1982, p. 110 ; ou encore : Ann Marie Graham, Dos interpretaciones de la historia de los mexicas : un análisis comparativo de la Crónica mexicana de Hernando Alvarado Tezozómoc y la Historia de las Indias de Nueva España e islas de Tierra Firme de fray Diego Durán, Thèse de doctorat, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México, 1998, pp. 29-30.
(3). Robert Hayward Barlow, « La Crónica X : versiones coloniales de la historia de los mexica tenochca », Revista Mexicana de Estudios Antropológicos 7 (1-3), 1945, pp. 70-72.
(4). Par exemple : Diego Durán, Historia de las Indias de Nueva España y islas de tierra firme, éd. de Rosa Camelo et José Ruben Romero Galván, Mexico, Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, 1995, t. 1, chap. 25, p. 258.
(5). Par exemple : ibid., t. 1, chap. 18, p. 209 et chap. 20, p. 229.
(6). Robert Hayward Barlow, op. cit., p. 73.
(7). Stephen Allyn Colston, Fray Diego Durán's « Historia de las Indias de Nueva España e islas de tierra firme » : a historiographical analysis, thèse de doctorat (Université de Californie à Los Angeles), Ann Arbor, University Microfilms, 1973, p. 57.
(8). « ...escrita por mano de indio » (Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 75, p. 619).
(9). Henry B. Nicholson, « Review of The Aztecs : the History of the Indies of New Spain (Fray Diego Durán) », American Anthropologist 66 (6), 1964, pp. 1408-1410.
(10). Robert Hayward Barlow, op. cit., pp. 74-75.
(11). Par exemple : Fernando Alvarado Tezozomoc, Crónica mexicana, éd. de Gonzalo Díaz Migoyo et Germán Vázquez Chamorro, Madrid, Dastin, 2001, chap. 76, p. 326.
(12). « ...mi intento no a sido no traducir el mexicano en nuestra lengua castellana » (Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 18, p. 209) ; « …y así concluye el capítulo que en la lengua mexicana hallé escrito » (ibid., t. 1, chap. 20, p. 229).
(13). Ibid., t. 1, chap. 55, p. 480.
(14). Robert Hayward Barlow, op. cit., pp. 75-76.
(15). José Ruben Romero Galván, « La Crónica X : algunas consideraciones más », in Jacqueline de Durand-Forest et Georges Baudot (eds.), Mille ans de civilisation mésoaméricaine. Des Mayas aux Aztèques, Paris, L’Harmattan, 1995, t. 2, p. 148.
(16). Par exemple le renvoi que fait notre auteur à une « peinture » provenant de Texcoco : Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 50, p. 444.
(17). Juan de Tovar, Manuscrit Tovar, origines et croyances de Indiens du Mexique, éd. et traduction de Jacques Lafaye, Graz, Akademische Druck und Verlagsanstalt, 1972 ; Stephen Allyn Colston, op. cit.
(18). Par exemple la description des éléments ajoutés au temple de Huitzilopochtli sous Ahuitzotl : Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 43, pp. 391-392 ; Fernando Alvarado Tezozomoc, op. cit., ch. 68, p. 291.
(19). Ignacio Bernal, The History of the Indies of New Spain, trad. de Doris Heyden, Norman / Londres, University of Oklahoma Press, 1994 [1964], chap. « Durán’s Historia and the Crónica X », p. 572 ; Nigel Davies, The Aztec empire : the Toltec resurgence, Norman, University of Oklahoma Press, 1987, p. 54.
(20). Comparer par exemple le récit que donne Diego Durán (op. cit., t. 1, chap. 76, pp. 627-629 et 631) de la « Noche Triste » à celui de l’un de ses confrères dominicains, Francisco de Aguilar (Historia de la Nueva España de Fray Francisco de Aguilar, éd. de Alfonso Teja Zabre, Mexico, Ediciones Botas, 1938 [1560-1565], pp. 80-82).
(21). Ann Marie Graham, op. cit., p. 189.
(22). Robert Hayward Barlow, op. cit., pp. 76-77.
(25). Par exemple la liste des dix parcelles de terre que reçoit Tlacaelel après la soumission d’Azcapotzalco : Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 9, p. 130 ; Fernando AlvaradoTezozomoc, op. cit., chap. 12, p. 83.
(26). Robert Hayward Barlow, op. cit., pp. 76-77.
(27). Par exemple, quand Durán dit « unos pájaros », Tezozomoc dit au même endroit « atzitzicuilome » : Diego Durán, op.cit., t. 1, ch. 33, p. 312 ; Fernando Alvarado Tezozomoc, op. cit., chap. 45, p. 201.
(28). Par exemple, le dominicain parle de « tigre » ou de « lion » quand il est question d’un jaguar.
(29). Robert Hayward Barlow, op. cit., p. 76.
(31). Cf. infra, figure 3.
(32). Sylvie Peperstraete, La « Chronique X ». Reconstitution et analyse d’une source perdue fondamentale sur la civilisation aztèque, d’après l’Historia de las Indias de Nueva España de D. Durán (1581) et la Crónica mexicana de F. A. Tezozomoc (ca. 1598). Oxford, Archaeopress (coll. "British Archaeological Reports, International Series", 1630, 2007.
(33). Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 7, p. 110 ; Fernando Alvarado Tezozomoc, op. cit., chap. 7, pp. 67-68.
(34). Que l’on songe par exemple aux Anales de Tlatelolco, rédigées dès 1528 (Georges Baudot, Les Lettres Précolombiennes, Toulouse, Privat, 1976, p. 35) !
(35). « This sun was 4 Jaguar » ; « here is… » (« Leyenda de los Soles », in The Codex Chimalpopoca.History and mythology of the Aztecs, traduction de John Bierhorst, Tucson, University of Arizona Press, 1992, pp. 142 et 148). Cf. aussi le titre de l’Historia de los mexicanos por sus pinturas, pourtant dépourvue d’illustrations.
(36). Ann Marie Graham, op. cit., p. 60.
(37). Par exemple, le chapitre 20 de Durán et le chapitre 32 de Tezozomoc ou le chapitre 47 de Durán et le chapitre 79 de Tezozomoc.
(38). « …y así concluye el capítulo que en la lengua mexicana hallé escrito » (Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 20, p. 229).
(39). Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 34, p. 318.
(40). Fernando Alvarado Tezozomoc, op. cit., chap. 47, p. 208.
(41). Doris Heyden, El Templo Mayor de Tenochtitlan en la obra de Fray Diego Durán, Mexico, Instituto Nacional de Antropología e Historia, 2004, p. 94.
(42). Durán renforce l’idée qu’il est en train de décrire une illustration lorsqu’il affirme que les Indiens « pusieron todas las figuras que en la pintura vimos » (Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 43, pp. 391-392). Les figures dont il est question, celles des tzitzimime et de Coyolxauhqui, sont également mentionnées par Tezozomoc (op. cit., chap. 68, p. 291), ce qui confirme que c’est bien le même dessin qui est décrit.
(43). Alfonso Caso, « Una fecha en el Códice Ramírez », Revista Mexicana de Estudios Antropológicos 7, 1945, pp. 82-83.
(44). Ignacio Bernal, « Los calendarios de Durán », Revista Mexicana de Estudios Antropológicos 9 (1-3), 1947, pp. 127-128.
(45). Stephen Allyn Colston, « A comment on dating the "Crónica X" », Tlalocan 7, 1977, pp. 372-375.
(46). Ann Marie Graham, op. cit., p. 60.
(47). Robert Hayward Barlow, op. cit., pp. 70-71.
(48). Henry B. Nicholson, « Review of The Aztecs : the History of the Indies of New Spain (Fray Diego Durán) », American Anthropologist 66 (6), 1964, p. 1409.
(49). Stephen Allyn Colston, Fray Diego Durán's « Historia..., op. cit., p. 175 ; S. A. Colston, Tlacaelel’s descendants and the authorship of the "Historia Mexicana", Indiana 2, 1974, pp. 69-72.
(50). Günter Zimmermann, « Chimalpahin y la iglesia de San Antón Abad en México », in Paul Kirchhoff (ed.), Traducciones mesoamericanistas, Mexico, Sociedad Mexicana de Antropología, 1966, t. 1, p. 23.
(51). Ursula Dyckerhoff, Die « Crónica mexicana » des Hernando Alvarado Tezozomoc: Quellenkritische Untersuchungen », Munich, Klaus Renner (coll. « Hamburger Reihe zur Kultur- und Sprachwissenschaft », n° 7), 1970, p. 29.
(52). Fernando Alvarado Tezozomoc, Crónica mexicáyotl, éd. de A. León, Mexico, Imprenta Universitaria, 1949, § 6.
(53). Robert Hayward Barlow (op. cit., p. 80) pense à Tovar et Baudot (« Le contexte ethno-historique », in Georges Baudot et Tzvetan Todorov (eds.), Récits aztèques de la Conquête, Paris, Seuil, 1983, p. 40) à Olmos.
(54). « escrita por mano de indio » (Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 75, p. 619).
(55). Stephen Allyn Colston, Fray Diego Durán's « Historia..., op. cit., p. 176.
(56). Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 33, p. 312 ; Fernando Alvarado Tezozomoc, Crónica mexicana, op. cit., chap. 45, p. 201 ; Codex Cozcatzin, éd. de Ana Rita Valero de García Lascuráin et Rafael Tena, Mexico, Instituto Nacional de Antropología e Historia / Puebla, Universidad de Puebla, 1994, p. 103.
(57). Robert Hayward Barlow, Obras, éd. de J. Monjarás-Ruiz, Puebla, INAH / UDLA, 1989 [1945], t. 2, p. 82 (« La guerra de 1473 en la "Crónica X" »).
(58). Ursula Dyckerhoff, op. cit., p. 24.
(59). « El Virey Don Martín Enríquez, teniendo deseo de saber estas antigüallas de esta gente con certidumbre, mandó juntar las librerías que ellos tenían de estas cosas y los de México, Tezcuco y Tulla, se las traxeron, porque eran los historiadores y sabios en estas cosas. Enbióme el Virey estos papeles y libros con el Doctor Portillo, provisor que fue de este Arçobispado, encargándome las viesse y averiguase, haziendo alguna relación para enbiar al Rey. Ví entonces toda esta historia con caracteres y hyoreglíficas que yo no entendía, y assí fue necessario que los sabios de México, Tezcuco y Tulla se viesen comigo por mandado del mismo Virey, y con ellos yéndome diziendo y narrando las cosas en particular, hize una Historia bien cumplida, la qual acabada llevó el mismo Dotor Portillo, prometiendo de hazer dos traslados de muy ricas pinturas, uno para el Rey y otro para nosotros. En esta coiuntura le sucedió el yr a España y nunca pudo cumplir su palabra, ni nosotros cobrar la Historia. Pero como entonces lo averigüé y traté muy de espacio, quedóseme mucho en la memoria, demás de que ví un libro que hizo un frayle dominico, deudo mío, que estava el más conforme a la librería antigua que yo he visto, que me ayudó a refrescar la memoria para hazer esa Historia que Vuestra Merced agora ha leydo, poniendo lo que era más cierto y dexando otras cosillas dudosas que eran de poco fundamento. Y ésta es la autoridad que eso tiene, que para mí es mucha, porque demás de que lo ví en sus mismos libros, lo traté antes del cocoliste con todos los ancianos que supe sabían de esto, y ninguno discrepava, como cosa muy notoria entre ellos » (Juan de Tovar, Manuscrit Tovar. Origines et croyances des Indiens du Mexique, éd. et traduction française de Jacques Lafaye, Graz, Akademische Druck und Verlagsanstalt, 1972, pp. 3-4 et 117-118).
(60). Robert Hayward Barlow, « La Crónica X : versiones coloniales... », op. cit., p. 75.
(61). John Benedict Warren, « An introductory survey of secular writings in the European tradition on colonial Middle America, 1503-1818 », in Robert Wauchope (ed.), Handbook of Middle American Indians, Austin, University of Texas Press, 1973, vol. 13, p. 82.
(62). Diego Durán, op. cit., t. 1, chap. 5, p. 94.
(63). Fernando Alvarado Tezozomoc, Crónica mexicana, op. cit., chap. 3, p. 63.
(64). Fernando Alvarado Tezozomoc, Crónica mexicáyotl, op. cit., § 103.
(65). Ses deux œuvres majeures, en nahuatl, sont les Relaciones (BNP 74, 272 feuilles, ca. 1606-1631) et le Diario (BNP 220, 284 pp., ca. 1615). On lui a cependant attribué d’autres écrits, parmi lesquels une série de manuscrits redécouverts en 1983 dans la Bible Society Collection de l’Université de Cambridge (Angleterre), connus sous le nom de Codex Chimalpahin. Il s’agit d’écrits en nahuatl et en espagnol, avec une attestation personnelle de temps à autre (Susan Schroeder, « Introduction », in Codex Chimalpahin, éd. et traduction de Arthur J. O. Anderson et Susan Schroeder, Norman, University of Oklahoma Press, 1997, t. 1, pp. 3-13). Parmi ces manuscrits récemment découverts, se trouve une version de la Crónica mexicáyotl et de brefs écrits de Tezozomoc, mais avec l’écriture de Chimalpahin.
(66). Ursula Dyckerhoff, op. cit. p. 23 ; Jacqueline de Durand-Forest, L'Histoire de la Vallée de Mexico selon Chimalpahin Quauhtlehuanitzin (du XIe au XVIe siècle), Paris, L’Harmattan, 1987, p. 112 ; Sallie Craven Brennan, Cosmogonic use of time and space in historical narrative : the case of the « Crónica mexicáyotl », thèse de doctorat (Université de Rochester), Ann Arbor, University Microfilms, 1988, p. 87.
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