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O cordel é mais que o folheto; é a narrativa lida ou cantada,
é a imagem da gravura e a imagem imaginada. Aléxia Brasil (1) [2005 : .23]
Depuis de nombreuses années, le CRLA possède l’un des plus important fonds de littérature populaire brésilienne. Il s’agit du Fonds Raymond Cantel, du nom de son créateur qui l’a confié à notre centre, après avoir pendant de très nombreuses années lutté pour promouvoir auprès des brésiliens mais aussi des européens l’importance de cette littérature populaire. Raymond Cantel disait en effet, en 1972 à Récife, que «si les pouvoirs publics brésiliens avaient une idée de l’importance et de l’usage que l’on fait du cordel, ils ne laisseraient pas le genre s’éteindre.» (2) Et l’on peut l’affirmer aujourd’hui qu’il y est parvenu puisque dans les années 70-80, cet éminent chercheur et professeur était chargé d’un cours sur la littérature populaire brésilienne à la Sorbonne.
Le Nordeste – une des régions les plus fascinantes du Brésil car s’y confondent, dans un métissage culturel séculaire, la geste des « cangaçeiros » ou celle des « canudos » jadis décrits par Euclides da Cunha, les prouesses de Roland ou de Charlemagne, amenées avec des chants liturgiques, par les Portugais, les légendes africaines, de Métis, d’une Indianité dispersée – et la meute des faits divers, sportifs, policiers, politiques. Une chimie poétique, toujours vivante.
Les conditions de vie du sertão étant réputées pour être particulièrement difficiles voire inhumaines, le cordel a souvent été perçu et continue encore d’être vécu par les sertanejos comme un moyen d’échapper aux problèmes quotidiens, la poésie permettant cette fuite par l’imaginaire. Les études thématiques montrent bien le lien indissociable entre les sujets traités et l’expérience vécue au quotidien. Cette poésie populaire véhicule toute une partie de l’univers de l’imaginaire sertanejo, de la religiosité, des moeurs et coutumes, des valeurs éthiques et culturelles.
Le poète est en quelque sorte le porte-parole d’une majorité silencieuse, dont il est à la fois témoin et acteur: «Pour être non seulement le témoin mais aussi le représentant de cette réalité douloureuse, le poète populaire ne saurait en faire un tableau qui ne soit à la fois un réquisitoire.» Si la critique sociale est fortement présente, elle n’apparaît pas toujours sous une forme organisée, et plus qu’un moyen de lutte, la littérature de cordel fonctionne comme fiction compensatoire. (7) La déclamation ou la lecture d’un folheto par un poète devant un public de gens n’est pas motivée seulement par le fait que ses auditeurs ne savent pas lire. Il s’agit également d’importants moments de rencontre d’une communauté qui se réunit pour se distraire de ses soucis quotidiens.
Passé l’impact des changements, les solutions alternatives de production ont surgi. Peut-être que la division en époques d’or, époques de crise et de renaissance n'est finalement qu’une simplification d’un mouvement continuel d’adaptations. A la fin du XXe siècle, l’ordinateur personnel devient un élément-clé de ce qu’on désigne habituellement par les termes de graphie rapide. Cela peut sembler étrange, mais ce modèle de production est plus proche de la typographie que ses successeurs technologiques immédiats.
[2005: 40] Les folhetos peuvent donc être préparés et produits plus rapidement. Le gain de temps et d’argent justifie l’utilisation des nouvelles technologies (11). Le cordel, contrairement aux prévisions pessimistes n’a pas disparu et a su trouver des stratégies de préservation dans l’actuel marché culturel (12). Beaucoup de récitals, de festivals et de congrès permettent quotidiennement aux poètes populaires de s’exprimer. Des CD et DVD sont gravés et vendus permettant ainsi la conquête de nouveaux publics. Les sites internet se multiplient, certains poètes composant désormais directement sur la toile. Internet s’est donc revélé être un important outil pour la promotion et la dynamisation de la littérature de cordel. Comme l’affirme Audálio Dantas « beaucoup de gens répètent que ces manifestations sont en voie d’extinction. Mais en réalité il y a des dizaines d’artistes en pleine activité. Il s’agit d’un art traditionnel qui n’a pas seulement survécu aux nouvelles technologies mais se les est appropriées » (13). Particularités de la littérature de cordel Le Professeur Raymond Cantel a laissé un fonds qui est constitué en grande partie de folhetos. Il en comptait alors environ 5000 et s’est depuis enrichi puisque nous en possédons aujourd’hui près de 8000, chiffre qui augmentera sans aucun doute, le fonds recevant régulièrement des folhetos de la part des poètes eux-mêmes ou de chercheurs brésiliens (14). Das origens puramente orais ou intermediadas por manuscrito, só se sabe o que se conta. Mas o cordel permanece literatura oral na convivência com o folheto, e ainda as praticas de cantoria e leitura coletiva tornam sua existência mais rica.
[2005 : 27]
(…) seule la récitation chantée et rythmée fait « exister » pleinement le texte : même lorsque le faire est antérieur au dire, le texte naît de la voix qu’il assume d’un public qui, l’écoutant comme chose nouvelle et le « reconnaissant », lui donne sa beauté, toujours renouvelée.
[1997 :83]
Le chant comme l’instrument, la xylogravure comme le dessin ou la carte postale, définissent un art de la mémoire et de la tradition. La parole, l’image et la voix se croisent dans le champ de la littérature de cordel, intégrant ainsi des formes artistiques que notre culture nous a appris à séparer alors même qu’elles s’unissent dans l’œuvre populaire.
[1997 : 90]
![]() En plus des folhetos qui représentent sa partie la plus importante, le Fonds Raymond Cantel possède également des manuscrits de poètes populaires, de nombreuses xilogravures et pièces de bois servant aux xilogravures, des enregistrements audio et vidéo de poètes en performance ou en interview. Tout ce matériel fait du Fonds Raymond Cantel, le fonds le plus riche d’Europe mais surtout le plus varié. Tout ces documents seront numérisés, puis mis en ligne sur internet. Cependant, il sera important pour nous de les agencer de façon à représenter au mieux sur Internet l’univers du cordel. Dans l’univers imprimé, le couple support-contenu constitue une unité indissociable. Dans le monde numérique, le document peut être constitué de nombreux fichiers informatiques disjoints. A l’inverse, un fichier informatique peut s’exprimer sous différents aspects (affichage à l’écran, photocomposition, livre électronique, etc), le support devient invisible.
[2005 : 23] Quelques centres de recherches ou instituts – trop peu nombreux aux regards du nombre de folhetos existants - ont mis en ligne une partie ou l’intégralité de leurs fonds de folhetos (17). Dans tous les cas, les folhetos sont présentés en mode image, avec couverture ou non, le but semblant être d’offrir un accès aux itels qu’ils sont. Cet accès à des documents est un outil extrêmement précieux pour des chercheurs surtout lorsqu’ils se trouvent hors du Brésil, cependant il ne rend pas compte de l'intégralité de l’univers du cordel. Image, texte et son présents dans l’univers du cordel constituent son identité. Une approche dichotomique entre pratique orale et texte imprimé ne permet pas de le décrire. Le cordel représente bien davantage que le folheto, c’est la narration lue ou chantée, c’est l’image de la gravure et c’est l’image imaginée (18).
[2005: 23]
Un hypertexte (lorsque l’ensemble des documents comporte aussi des images et des sons, on parle plutôt d’hypermédia) est donc une collection de documents associés entre eux par des liens dynamiques, qui constituent un réseau à l’intérieur duquel on peut effectuer des parcours.
[1997 : 12]
Notre but n’est pas, dans le cas de la littérature de cordel de permettre à l’usager d’ « effectuer un parcours » mais bien plutôt d’ « associer entre eux par des liens dynamiques », les textes aux images et/ou aux enregistrements audio et vidéo. Mais c’est pourtant cette présence physique du poète que nous ne pouvons pas représenter à l’heure actuelle. Les enregistrements audio-visuels, trop peu nombreux, ne sont pas toujours associables à un texte. Filmer un « cordelista » déclamant un par un les 8000 textes du fonds Raymond Cantel serait un travail trop fastidieux et trop onéreux. Dans le cadre de son projet cordel digital, Aléxia Brasil a intégré des vidéos afin d’associer au texte la pratique orale. Elle justifie d’ailleurs cette intégration de vidéo en expliquant que : A representação do movimento não é novidade, faz-se desde o cinema e antes dele, com as experiências que o anunciavam. O movimento digital acrescenta a este quadro uma potencial interactividade. Uma qualidade que pode ser aproveitada na busca de uma estrutura mais fluida para a narrativa, mais próxima da prática oral sem se repetir sempre da mesma forma mas dando espaço para a variação.
[2006 : 74]
Les avancées du projet cordel digital d’Aléxia Brasil qui comme nous veut restituer l’univers du cordel sur Internet, nous aideront sans aucun doute pour notre projet. Aussi, je conclurai en citant ses propos qui illustrent parfaitement la volonté du CRLA-Archivos en ce qui concerne la littérature de cordel : ne pas être seulement le gardien d’une riche collection mais permettre que cette littérature orale continue d’évoluer, de se transformer, d’être re-crééé, en « mouvance » perpétuelle : A formação do imaginário do cordel, como vimos, é feita de apropriar, transformar, recriar, tanto na fabulação como na figuração de imagens impressas qu também são recortadas, copiadas, reinventadas. Também os arquivamentos deixam de ser estáticos, e cada arquivo resultante do material colhido passa a ser matriz para geração de novos arquivos. O finalizado existe por decisão, e não por incapacidade operacional. A memória pode permanecer em transformação.
[2006 : 74]
(1). In Cordel digital, Expressão Gráfica Editora, 2006. (2). COIMBRA Silvia Rodrigues (1993). Poesia e gravura de J. Borges, Recife, p. 20: «... se o poder público brasileiro tivesse a noção o quanto e para que serve o cordel, não deixaria morrer.» (3). Il a pour titre Saudades do Sertão et son auteur est Francisco da Chagas. (4). Dans la préface du livre d’Idelette Fonseca Muzart, La littérature de Cordel au Brésil. Mémoire des voix, grenier d’histoires. Paris : ed. L’Harmattan, 1997. (5). Idelette Fonseca Muzart explique la place du folheto dit d’actualité dans la société brésilienne aujourd’hui : (6). Le langage poétique est éloigné des normes et il est très fréquent de trouver des erreurs de grammaire et de conjugaison. (7). L’Académie des cordélistes du Crato: une expérience originale (8). DEBS, Sylvie. Le « cordel » : une expression littéraire en sursis ? Le cas de la maison d’édition Tupynanquim. Consulté sur internet le 24/05/2009 à l’adresse suivante : http://www.potomitan.info/ewop/cordel.html. (9). La plus ancienne des typographies publiant des folhetos, la tipografia São Francisco fut créée à Juazeiro do Norte en 1930, par José Bernardo Da Silva, l’un des plus grands diffuseurs de folhetos. (10). Op. cit. (11). Sylvie Debbs donne comme exemple : « pour un tirage classique, type Gráfica Lira Nordestina de Juazeiro do Norte, il faut prévoir un coût de cent cinquante reais et un délai de trois jours pour un tirage de mille exemplaires d’un cordel de huit pages. Avec le système off-set, le folheto est prêt en trois heures pour un coût de quatre-vingts reais. » (op. cit.). (12). Si le cordel a réellement connu une période de crise, il s’agissait avant tout, d’après le grand spécialiste, Roberto Benjamim, d’une crise de l’édition dans les années 70. Plusieurs maisons d’éditions populaires et petits ateliers durent arrêter leurs activités par manque de soutien et d’engagement. Une reprise de production a été constatée dans les années 90, production qui utilise désormais informatique et imprimantes. (13). Cité par Immaculada Lopez in Literatura viva. Cordel e xilogravura completam cem anos de histórias. Consulté le 12/05/2009 sur http://www.sescsp.org.br/sesc/revistas_sesc/pb/artigo. (14). La littérature de cordel est une littérature qui se renouvelle, Joseph Luyten estimant que 1000 nouveaux folhetos sont publiés chaque année ( A noticia na literatura de Cordel, São Paulo : ed. Estação Liberdade, 1992, p.25). (15). Op. cit. (16). Op. cit. (17). La Fondation Casa Rui Barbosa par exemple, qui possède plus de 9000 folhetos, en a mis en ligne près de 2300 qui sont consultables à partir de la liste des auteurs. Un moteur de recherche permet d’effectuer une recherche à partir d’un terme dans tous les documents disponibles, les occurrences apparaissant alors soulignées en vert. La couverture de chaque folhetos est affichée en couleur tandis que les pages de texte le sont en noir et blanc. Le site est accessible sur http://www.casaruibarbosa.gov.br/cordel/. Le projet cordel digital d’Aléxia Brasil cité est en phase expérimentale. Les documents sont présentés en couleurs pour la couverture et en niveaux de gris en ce qui concerne le texte. Un effet informatique qui permet de « feuilleter » le folheto est associé au bruit d'une page que l’on tourne. Ce site est consultable à partir de http://www.cordeldigital.com.br/. (18). Op. cit. Traduction personnelle (19). In Textes, Documents et nouveaux médias, DAVID, Clarisse (org), Ed de L’Actualité Scientifique Poitou-Charentes et MSHS, 1997. (20). In Littératures Orales, Paroles vivantes et mouvantes, MARTIN, J.B (org.), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2003 |