Les cahiers perdus de Francisco Fernández de Córdova (Pérou, début du XVIIe siècle): comment les retrouver?

Jean-Philippe Husson

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♦ L'hypothèse d'une origine liée aux toiles commandées par Toledo
♦ Felipe Guaman Poma de Ayala
♦ Buenaventura de Salinas y Córdova
♦ Les aquarelles de la collection Massimo
♦ Francisco Fernández de Córdova
♦ X: l'étape inconnue qui sépare Fernández de Córdova des aquarelles de Massimo
♦ Alonso de la Cueva Ponce de León

♦ Juan Núñez Vela de Ribera

♦ La place d'Alonso de la Cueva dans la série des généalogies incaïques

♦ La longue postérité de la généalogie d'Alonso de la Cueva

♦ Deux auxiliaires précieux: le tableau du couvent de Copacabana et la généalogie de Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela

♦ Première conclusion: les sources utiles

♦ Deuxième conclusion: le contenu iconographique des cahiers de Fernández de Córdova

♦ Troisième conclusion: le contenu textuel des cahiers de Fernández de Córdova

♦ Bibliographie








Table des matières





















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Dans une contribution publiée en 2002 dans un ouvrage collectif sur le thème du « modèle » (1), nous nous sommes attaché à reconstituer la longue chaîne de ce que nous avons appelé les « généalogies incaïques », c’est-à-dire les représentations picturales ou les commentaires textuels ayant pour objets les différents souverains de la dynastie inca. À l’origine de ce travail était le constat des similitudes nombreuses et flagrantes, de nature tant iconographique que littérale, qui unissaient des sources très diverses, la première – les illustrations de la chronique de Martín de Murúa, dont on sait maintenant qu’elles sont l’œuvre de Felipe Guaman Poma de Ayala – remontant à la fin du XVIe siècle, la dernière datant du milieu du XIXe siècle.

À la faveur de la réflexion sur les « filiations textuelles », nous voudrions rouvrir ce dossier dans une perspective nouvelle qui est celle de la reconstitution de documents inconnus sur la base des sources qui les ont inspirés et / ou qu’ils ont inspirées. L’un des maillons de la longue série des « généalogies incaïques », représenté par les cahiers manuscrits de Francisco Fernández de Córdova, apparaît en effet pleinement justiciable d’une telle démarche, ouverte par les travaux prometteurs de Sylvie Peperstraete sur la « Chronique X », thème de la contribution précédente. Dans le cas des écrits de Fernández de Córdova, qu’on sache seulement que, s’ils nous sont inconnus, nous connaissons en revanche la source dont ils procèdent, plus trois œuvres qui s’inspirent directement des « cahiers » en question, et pas moins d’une quinzaine d’autres qui en dérivent indirectement. C’est dire si la matière ne manque pas pour mener à bien notre projet de reconstruction.

Nous partirons du schéma de filiation que nous donnions en conclusion de la contribution précitée et qui figure ci-après. La case « X » symbolise une étape mal connue, mais non nécessairement représentée par un auteur ou un titre, du processus d’évolution conduisant des cahiers de Fernández de Córdova à une œuvre qui en dérive.


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Postérieurement à la publication de notre article, la lecture de l’ouvrage collectif intitulé Los incas, reyes del Perú, paru en 2005 (2), nous a fait prendre conscience de l’existence de plusieurs lacunes dans notre schéma. Consacré à la représentation iconographique des Incas dans le Pérou colonial et ses prolongements à l’époque républicaine, très richement illustré, ce livre évoque entre autres divers tableaux inspirés de l’un des chaînons de notre arborescence – Alonso de la Cueva Ponce de León –, dont il convenait évidemment de tenir compte. Il mentionne aussi l’influence décisive qu’exerça sur le même Alonso de la Cueva un ecclésiastique métis originaire d’Arequipa, Juan Núñez Vela de Ribera, lequel ne pouvait pas davantage être passé sous silence. Il en résulte un diagramme plus complet que le lecteur trouvera ci-dessous.

Insistons sur les trois caractéristiques essentielles des œuvres figurant sur les deux schémas : leur nature très variée (livres, manuscrits, tableaux, aquarelles, gravures) ; leur double dimension textuelle et iconographique, pour la grande majorité d’entre elles ; enfin, la présence d’affinités si marquées que leur parenté génétique ne souffre aucune discussion.

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Notons que le second schéma se traduit par un sensible accroissement de la profondeur temporelle de notre filiation. Celle-ci couvre à présent trois siècles environ, puisque les aquarelles de Guaman Poma qui allaient servir à illustrer la chronique de Martín de Murúa furent conçues avant 1590, date d’achèvement de l’ouvrage, et que le tableau de Mariano Florentino Olivares conservé au Museo de la Moneda de Potosí fut exécuté en 1880.

Nous remarquons aussi que certains maillons de la chaîne revêtent une importance particulière : outre Guaman Poma de Ayala, à qui la tradition doit son existence, citons Francisco Fernández de Córdova, objet de ce travail, à qui revient le mérite de l’avoir perpétuée en la diffusant par trois canaux différents ; et surtout Alonso de la Cueva Ponce de León qui, un siècle plus tard, allait assurer son rayonnement. C’est en effet grâce à lui que les généalogies incaïques, jusqu’alors réservées à la curiosité de quelques érudits, connurent un extraordinaire engouement qui les entraîna jusque sur le vieux continent, en Espagne, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, même, très loin de leur foyer andin originel.


L’hypothèse d’une origine liée aux toiles commandées par Toledo


Avant de présenter les éléments constitutifs de la filiation que nous avons reconstruite, nous voudrions au préalable examiner brièvement l’hypothèse qui consiste à lui imputer pour origine quatre tableaux commandés par le vice-roi Francisco de Toledo au début des années 1570. Nous savons que ces tableaux, ainsi que d’autres de nature voisine, furent envoyés en Espagne peu après leur achèvement et qu’ils furent détruits en 1734 dans l’incendie de l’Alcazar de Madrid, où ils étaient conservés. Faute de pouvoir les observer, nous disposons tout de même de quelques témoignages, d’où il ressort qu’ils représentaient les différents souverains de la dynastie inca, leurs épouses et certains membres de leur parentèle.

Dans un travail qui porte sur les aquarelles de la collection Camillo Massimo, autre chaînon de notre tradition que nous évoquerons bientôt plus en détail, Juan Carlos Estenssoro développe la thèse selon laquelle ses objets d’étude auraient été exécutés précisément sous l’influence des toiles commandées par Toledo. Il ajoute que la même influence est, selon toute vraisemblance, à l’origine de deux autres séries de portraits d’Incas, dont il avait bien perçu l’étroite affinité avec la collection Massimo : celles qui ornent les chroniques de Guaman Poma de Ayala et de Martín de Murúa (3).

Dans notre contribution de 2002, au terme d’une évaluation critique de l’hypothèse de Juan Carlos Estenssoro (4), nous avons finalement écarté celle-ci, sur la base des quatre considérations suivantes.

En premier lieu, si l’exécution au Pérou des tableaux commandés par Toledo, puis leur envoi en Espagne peut expliquer que leur influence se soit manifestée dans ces deux lieux – le Pérou pour les portraits intégrés aux chroniques de Guaman Poma et Murúa ; l’Espagne pour les aquarelles de Massimo –, il n’en demeure pas moins que leur départ précoce (5) pour l’Europe pose problème. Il rend peu vraisemblable que Guaman Poma – auteur des dessins qui figurent dans sa propre chronique mais aussi, nous le savons maintenant, des aquarelles qui ornent celle de Murúa – ait pu les observer directement (6). Conscient de cette difficulté, Estenssoro propose une solution : des copies auraient été réalisées au Pérou avant que les toiles ne prennent le chemin de la Métropole. Malheureusement, l’inexistence de toute trace de telles copies rend cette hypothèse très fragile.

En second lieu, il se dégage d’une courte description des quatre tableaux que les souverains Incas et leurs épouses n’étaient pas représentés sur le même mode : les premiers étaient visibles de pied en cap, alors que les secondes étaient réduites à des bustes. Or, sur les aquarelles de Massimo comme dans les chroniques de Guaman Poma et de Murúa, les mêmes personnages sont visibles dans leur intégralité, ce qui conduit à une nouvelle hypothèse, aussi peu plausible que la précédente : que Guaman Puma et le peintre des aquarelles de la collection Massimo, chacun de son côté, aient eu la même idée de recréer les corps de personnages dont le portrait se réduisait à un buste.

En troisième lieu, des similitudes littérales flagrantes rapprochent les commentaires associés aux portraits d’Incas de la chronique de Guaman Poma et de la collection Massimo. Entre autres traits communs, ces commentaires comportent des descriptions vestimentaires, assorties de mentions de couleurs, de chacun des souverains. L’hypothèse envisagée par Estenssoro implique que des textes voisins aient figuré sur les toiles commandées par Toledo, ce qui, s’agissant d’originaux, est absurde, puisque ces toiles étaient en couleur.

En quatrième lieu, enfin, nous possédons une transcription du texte qui figurait sur le tableau représentant la rencontre de Cajamarca, lui aussi commandé par Toledo. Comme il était facile de le prévoir, il contient une charge violente contre Atahualpa, présenté comme un usurpateur, et une apologie de la conquête du Pérou par Pizarre. Il ne fait aucun doute que si les quatre toiles représentant les souverains de la dynastie inca étaient pourvues de commentaires, ce qui, à défaut d’être avéré, est tout de même très probable, ces derniers seraient de la même veine que celui du tableau précité : ils s’inscriraient dans le cadre de la campagne anti-inca que Toledo mena pour préparer l’opinion à l’anéantissement du royaume néo-inca de Vilcabamba, et n’auraient par conséquent rien à voir avec ceux, plutôt laudatifs, qui accompagnent les dessins d’Incas de Guaman Poma et les aquarelles de la collection Massimo.

Retenons des considérations qui précèdent que s’il n’est pas exclu que les tableaux d’Incas commandés par Toledo aient eu une postérité (7), ils sont étrangers à la tradition qui nous intéresse. Cette question étant tranchée, nous allons maintenant présenter les différents chaînons de notre filiation, en nous attachant à préciser le lien qui les unit à Francisco Fernández de Córdova.


Felipe Guaman Poma de Ayala

Nous ne croyons pas nécessaire de présenter le chroniqueur indien péruvien Felipe Guaman Poma de Ayala, auteur d’un volumineux ouvrage illustré en lequel on peut légitimement voir notre principale source de connaissances sur le Pérou préhispanique et colonial (8). Nous nous bornerons à aborder les deux questions qui nous paraissent essentielles dans l’optique du présent travail : celle de l’existence éventuelle de documents écrits ou de représentations iconographiques ayant inspiré l’auteur, et celle du statut à accorder aux illustrations figurant dans la chronique de Martín de Murúa.

Si certaines des données qui, dans la Nueva corónica (9), composent les passages relatifs aux différents souverains de la dynastie inca sont attribuables, sans plus de précision, à la tradition orale – par exemple les conquêtes réalisées par chacun d’eux –, d’autres en revanche ne sauraient lui être imputées. C’est notamment le cas des détails vestimentaires – nature et couleur de chaque pièce de la parure royale – qui apparaissent sous la forme tant textuelle qu’iconographique et semblent suggérer l’influence d’une source antérieure. Il est bien évident que si une telle source avait inspiré Guaman Poma, la logique commanderait de l’identifier d’urgence et de lui accorder une place de choix dans notre reconstitution des cahiers perdus de Fernández de Córdova, en tant que noyau originel de la filiation. Mais cette éventualité se heurte à un double obstacle : d’une part, ayant écarté les toiles commandées par le vice-roi Toledo, nous ne voyons pas quelle autre œuvre coloniale pourrait prétendre à ce rôle ; d’autre part, l’hypothèse d’une œuvre préhispanique se révèle encore moins plausible. En désespoir de cause, il nous est apparu probable que le chroniqueur se soit inspiré d’une tradition qui, bien que typique du Pérou colonial, avait selon toute vraisemblance des racines préhispaniques : celle qui consistait à faire défiler, lors des fêtes officielles, des caciques revêtus des habits et parures caractéristiques de chacun des monarques de la dynastie inca (10). Le protocole strict qui régissait ces processions – à chaque souverain étaient attribués des vêtements et des ornements dont la substance, la forme et la couleur étaient étroitement déterminées – explique la précision quasi scientifique (et difficilement compréhensible en dehors de l’hypothèse envisagée (11)) des descriptions de Guaman Poma.

En définitive, dans la perspective de la reconstruction des cahiers de Fernández de Córdova et sous réserve de démontrer que Guaman Poma a inspiré les autres maillons de notre filiation, nous ne serons tenu de prendre en considération aucune source antérieure au chroniqueur indien.

La présence d’illustrations attribuables à Guaman Poma dans deux ouvrages distincts, celui dont il est l’auteur et celui du religieux mercédaire Martín de Murúa, pose un problème d’une autre nature, compliqué par le fait qu’il n’existe pas moins de trois versions du second. Sans entrer dans des détails superflus, il importe de savoir qu’une découverte récente du chercheur péruvien Juan Ossio a marqué une étape décisive dans la connaissance de la chronique de Murúa. Auparavant, n’étaient connus que deux manuscrits de celle-ci, respectivement appelés Loyola (12) et Wellington (13), le plus tardif étant le second, achevé vers 1611 (14). En 1997, Juan Ossio eut la possibilité d’accéder à un troisième manuscrit, propriété d’un bibliophile irlandais et incomparablement mieux doté du point de vue iconographique – il comporte cent douze aquarelles – que les deux précédents. Dès 1998, dans une présentation du nouvel exemplaire, le chercheur péruvien, caractérisant celui-ci comme l’original du manuscrit Loyola, fournissait des indices convaincants de la participation de Guaman Poma de Ayala, peut-être aidé par des membres de sa parentèle, à l’élaboration de la plupart des illustrations qui y figurent, et même de certains aspects textuels (15). En conclusion, non seulement les généalogies incaïques des chroniques de Guaman Poma et de Murúa sont apparentées, mais la date d’achèvement – mai 1590 – portée sur le manuscrit récemment découvert (16) atteste l’antériorité de la seconde. De ce fait, c’est à elle que nous pourrions être tenté d’accorder la primauté dans notre démarche.

En réalité, sans remettre en cause la filiation qui lie les deux généalogies incaïques ni la plus grande précocité de celle de la chronique de Murúa, nous n’utiliserons que celle de la Nueva corónica dans notre tentative de reconstruction des cahiers de Fernández de Córdova. Il y a deux raisons à cela. La première est que, pour des motifs qui apparaîtront plus tard au lecteur, nous serons conduit à privilégier le texte sur l’image ; or les similitudes qui rapprochent les deux œuvres sont avant tout d’ordre iconographique, beaucoup plus accessoirement d’ordre textuel. La deuxième raison est que l’influence de Guaman Poma sur les autres maillons de la filiation, nous en aurons bientôt la preuve, est passée par la Nueva corónica, non par les aquarelles que le chroniqueur indien a réalisées pour le compte de Murúa.


Buenaventura de Salinas y Córdova

Indépendamment des affinités marquées qui, comme nous allons le voir, rapprochent certains passages de sa chronique, intitulée Memorial de las historias del nuevo mundo Pirú (17) et publiée à Lima en 1630, de celle de Guaman Poma, la vie et l’œuvre de Fray Buenaventura de Salinas y Córdova sont intéressantes à au moins deux titres. L’un d’eux est l’attachement de ce créole péruvien à sa terre natale – il est né à Lima vers 1592 – qui en fait l’un des premiers représentants du créolisme. L’autre son engagement intransigeant en faveur des Indiens qu’il jugeait consubstantiel à son sacerdoce – il appartenait à l’ordre de Saint François – et lui valut les vives critiques de l’évêque du Cuzco (18).

Les similitudes avec la chronique de Guaman Poma sont d’ordre exclusivement textuel – le Memorial de las historias del nuevo mundo Pirú n’est garni d’aucune illustration – et se concentrent dans le chapitre I, consacré aux premiers habitants du Pérou et à la dynastie inca. À titre d’exemple, nous citerons deux passages homologues relatifs à l’Inca Mayta Qhapaq :



Felipe Guaman Poma de Ayala

EL QVARTO INGA mayta capac tenia sus armas y zelada – uma chuco de azul escuro y anas pacra y su mascapaycha y conga cuchuna . ualcanca – y su manta de encarnado . y de su camexeta de hazia arriua azul y del medio tres betas de tocapo y de auajo caxane con blanco y uerde y colorado y quatro ataderos de los pies y fue mûy feo hombre de cara y pies y manos y cuerpo delgadito friolento . mûy apretado con todo eso brabicimo melancolico – y cõquisto demas q[ue] tenia su p[adr]e hasta potoci y charca y muchas prouincias y pueblos – y fue cazado con chinbo urma mama yachi y murio en el cuzco de edad de ciento y ueyte años y dejo rriquiesas a su ydolo guanacauri…  (19)

 
Buenaventura de Salinas y Córdova

El quarto Rey fue Mayta Capac. Coronose con borla azul, manta encarnada, camiseta blanca, y verde, salpicada de mariposas carmesies. Llamaronle el melancolico ; pero muy valiente en las guerras. Conquisto las prouincias de los Charcas, hasta el famoso cerro de Potosi. Dexó grandes riquezas a sus Idolos, y al Templo del Sol. Tuuo cincuenta hijos de diferentes mugeres, criados todos con gran magestad, acompañandole continuamente en las guerras.  (20)

 

Bien que des similitudes manifestes se dégagent de la comparaison des deux extraits, il est évident qu’elles s’accompagnent de différences notables. Systématiquement, les descriptions du chroniqueur indien se distinguent par une précision très supérieure à celles du créole liménien. Elles abondent notamment en termes « techniques » – des désignations quechuas d’armes, de vêtements et d’ornements, en particulier – dont on chercherait en vain l’équivalent chez Salinas (21).

Néanmoins, la nature et le nombre des affinités constatées – mentions de couleurs, référence aux territoires conquis de Charcas et Potosí, évocation de la bravoure de l’Inca et de son caractère mélancolique – excluent qu’elles aient pu être le fait du hasard : les deux passages n’ont pas été élaborés indépendamment l’un de l’autre. Cela dit, rien n’indique pour l’instant que la filiation de l’un à l’autre ait été directe. En d’autres termes, les maillons « Guaman Poma » et « Salinas y Córdova » de notre filiation peuvent – mais l’inverse est également possible – avoir étés séparés par une étape intermédiaire.

Ce qui, en revanche, ne souffre aucune discussion est que Guaman Poma a été l’inspirateur – direct ou indirect – de Salinas. En faveur de cette thèse, outre l’écart temporel de quinze ans qui sépare l’achèvement de la chronique du premier (1615) de la publication de celle du second (1630), une preuve formelle nous est fournie par la comparaison des passages relatifs aux populations vivant au Pérou avant l’avènement des Incas. On sait que Guaman Poma divise les temps qui précédèrent cet avènement en quatre âges auxquels il attribue respectivement les dénominations de wari wiraqucha runa, wari runa, purun runa et awqa runa. Or, si les mêmes désignations sont visibles dans la chronique de Salinas, leur sens est parfois différent, dénonçant l’influence du chroniqueur indien :

Apareció pues sobre estas estendidas tierras del Pirú, aquel hombre, que se llamó (como diximos) Huari Viracocha Runa, con su muger llamada Huarmi, ó porque naturalmente llegaron desgajados de Cam, que fue su Tronco, y rayz; ó con ayuda, y orden del cielo. Multiplicaron la tierra entrambos, vistiendose despues de las ojas de los arboles, adorauan vn solo Dios de infinita Deidad; y de la decendencia destos, se començó á poblar el Pirú desde su pimera edad, que duró más de mil años, viuiendo en ley natural hasta el segundo decediente [sic] que tuuo, llamado Huari Runa, significando, que auia sido engendrado, y decendiente del primero, y su muger Pucullo se vistieron con alguna mas decencia, y policia (22)


En lisant cet extrait nous sommes en droit d’exprimer de sérieuses réserves sur les compétences en quechua de l’auteur, tant il est vrai que le nom qu’il impute à l’épouse de l’ancêtre primordial des populations andines n’est autre que Warmi, c’est-à-dire « Femme » en cette langue. Cette désignation apparaît moins surprenante si nous rapprochons l’extrait cité du dessin reproduit ci-dessous que Guaman Poma consacre au premier âge préincaïque, appelé wari wiraqucha (23). À côté du couple représenté sur ce dessin figure l’inscription « uari uiracocha uarmi » qui signifie « femme de l’âge wari wiraqucha ». Le chroniqueur n’aura pas jugé utile d’attribuer une mention particulière à l’individu de sexe masculin, déjà défini par les mots « VARI VIRACOCHA runa » – rappelons la polysémie du terme runa : être humain en général ; être humain de sexe masculin – inclus dans le titre de la page. Mais l’inscription « uari uiracocha uarmi » est disposée sur deux lignes distinctes, ce qui pourrait induire un lecteur peu versé en quechua à y voir la réunion de deux mentions indépendantes, la première relative à l’homme, la seconde à la femme. Telle a pu être l’interprétation de Salinas y Córdova, en faisant l’hypothèse qu’il ait eu accès à la Nueva corónica où à un ouvrage qui s’en inspirait.




Cette hypothèse est confirmée par l’observation du dessin de Guaman Poma relatif au second âge pré-incaïque, appelé wari (illustration ci-dessous) (24). Nous y relevons le terme « pucullo » qui, pour Salinas, désigne la femme du couple représentatif de la seconde génération d’habitants des Andes, mais revêtu d’un sens totalement différent. En effet, pour le chroniqueur indien, loin de se référer à un individu, il désigne la petite construction de pierre qui abrite le couple, ainsi qu’il ressort d’une précision ultérieure : « y no tenian casas . cino edeficaron unas cacitas q[ue] parese horno q[ue] ellos les llaman pucullo » (25). Le mari et la femme, pour leur part, se voient attribuer des mentions spécifiques, « uari runa » (« homme [de l’âge] wari ») et « uari uarmi » (« femme [de l’âge] wari ») respectivement. D’où notre interprétation, toujours dans l’hypothèse où Salinas aurait eu accès à la chronique de Guaman Poma ou à un texte qui en dérivait : avisant l’inscription « uari uarmi », le créole liménien aura pensé qu’elle ne pouvait correspondre au personnage de sexe féminin, puisque son compagnon s’appelle déjà wari et la femme de la génération antérieure warmi. Il aura donc préféré s’en remettre à la mention « pucullo » placée au-dessus de la précédente. Il n’est pas indifférent que nous n’ayons rencontré le terme pukullu que dans deux dictionnaires quechuas, tous les deux représentatifs du dialecte actuel dit « de Ayacucho », c’est-à-dire celui qui présente les affinités les plus marquées avec la variété qu’employait spontanément le chroniqueur indigène (26), preuve définitive qu’il fut bien l’inspirateur – direct ou indirect, répétons-le – de Salinas.





Reste, bien entendu, à préciser le lien unissant ce dernier à Fernández de Córdova, objet de notre étude. Sur ce point, les aquarelles de la collection Massimo, auxquelles nous allons maintenant prêter attention, vont nous apporter une aide décisive.



Les aquarelles de la collection Massimo

Érudit, grand amateur d’art, le cardinal italien Camillo Massimo ne manqua pas de tirer parti du séjour qu’il effectua de 1655 à 1658 à Madrid en qualité de nonce apostolique pour satisfaire sa passion de collectionneur (27). C’est, selon toute vraisemblance, de ce séjour madrilène que le prélat rapporta une collection de neuf aquarelles, toutes porteuses de brefs commentaires en langue espagnole, dont huit représentent des membres de la dynastie inca et la neuvième une quya (impératrice). L’ensemble, actuellement conservé à la Bibliothèque Angelica de Rome, a fait l’objet de l’étude de Juan Carlos Estenssoro que nous évoquions au début de ce travail.

Issu d’une importante famille romaine et doté des moyens correspondants, le cardinal, subodorant que les occasions d’observer des antiquités, manuscrits et autres curiosités ne manqueraient pas à Madrid, n’avait pas lésiné pour rendre profitable un séjour dont il privilégiait sans doute les aspects intellectuels et artistiques sur les aspects diplomatiques. C’est ainsi qu’il s’assura le concours d’un compatriote, Antonio Maria Antonazzi, miniaturiste de son état. C’est vraisemblablement à ce dernier qu’aurait échu la tâche de peindre les aquarelles. En tout cas, nous dit Estenssoro, leur facture est indéniablement italienne (28).

Pour le reste, nous avons dit que nous ne partagions pas les conclusions d’Estenssoro, engagé, selon nous, sur la fausse piste d’un lien génétique avec les tableaux des Incas envoyés du Pérou par Francisco de Toledo. Sachons-lui gré néanmoins d’avoir incorporé à son travail les reproductions en couleurs des neuf aquarelles de la collection Massimo. Grâce à elles, nous allons pouvoir nous livrer à une double comparaison : littérale avec les passages homologues de Guaman Poma et Salinas y Córdova, et iconographique avec les dessins correspondants du premier auteur cité.

En ce qui concerne l’aspect textuel, nous reprendrons le cas du commentaire relatif à l’Inca Mayta Qhapaq :

El quarto Rey fue Mayta Capac, que vivió ciento y beinte años, este se coronó con borla azul manta encarnada, y camiseta blanca y verde, y salpicada con mariposas carmesies. Llamáronle el Melancolico, aunque fue muy bravo para la guerra, pues conquistó la provincia de los hearcos [Charcas] a llegar al zerro de Potosi. Dejó grandes riquezas, tubo quarenta y dos hijos con diferentes Mujeres.  (29)


La comparaison est éclairante et met en évidence des degrés de convergence fortement différenciés. Les concordances sont significatives sans plus avec Guaman Poma – elles sont sensiblement du même ordre que celles que nous avions relevées entre Guaman Poma et Salinas –, incomparablement plus nettes entre l’aquarelle de Massimo et Salinas. L’affinité qui rapproche ces derniers est si notoire qu’exception faite de la durée de vie de Mayta Qhapaq, indiquée sur la première (120 ans) mais absente chez le second, l’identité textuelle est presque parfaite jusqu’au mot « melancólico ».

Un tel constat semble suggérer un lien fort (copie presque littérale) entre Salinas et les aquarelles de Massimo, assorti d’un lien beaucoup plus ténu (influence affaiblie par une réélaboration) entre l’un de ces derniers et Guaman Poma. Mais ce schéma attente à la logique. À supposer – hypothèse qu’on ne saurait écarter en toute rigueur quoique peu plausible – que Massimo ait disposé d’un exemplaire du Memorial de las historias del nuevo mundo Pirú, il n’aurait pas pu en tirer ses aquarelles puisque l’ouvrage de Salinas est dépourvu d’illustration. Quant à l’hypothèse inverse (influence des aquarelles de Massimo sur Salinas), elle se heurte à une impossibilité chronologique.

L’observation de diverses lacunes, tant chez Salinas que dans la collection Massimo, confirme, si besoin était, les conclusions précédentes et suggère une solution alternative. Salinas, avons-nous dit, omet de signaler que Mayta Qhapaq est mort à 120 ans, alors que cette précision est fournie par Guaman Poma et le peintre de la collection Massimo. Celui-ci, de son côté, évoque les richesses laissées par Mayta Qhapaq mais ne précise pas l’identité des bénéficiaires de ses dons, à savoir « ses idoles », selon Salinas, et « l’idole Huanacauri » (divinité tutélaire du clan inca), selon Guaman Poma. Aucun des deux, par conséquent, n’a pu jouer le rôle d’intermédiaire entre Guaman Poma et l’autre. En revanche, il apparaît très probable qu’ils aient puisé à la même source, laquelle se serait inspirée de Guaman Poma. Ainsi s’expliquent tout naturellement les lacunes que nous venons de constater – aucun des deux auteurs ne s’est senti tenu de reproduire l’intégralité de sa source – mais aussi la faible divergence constatée entre Salinas et le peintre des aquarelles, en comparaison de celle qui sépare chacun d’eux de Guaman Poma.

Cette conclusion se trouve-t-elle vérifiée par la comparaison des dessins d’Incas de Guaman Poma et des aquarelles de la collection Massimo ? Cette comparaison débouche sur le constat de similitudes manifestes, comme celle qui unit le dessin de l’Inca Lluq’i Yupanki dans la chronique de Guaman Poma et l’aquarelle relative au même souverain dans la collection Massimo (illustrations reproduites ci-après). Nous remarquons les attitudes très similaires des deux personnages – l’un et l’autre font marche vers la droite du dessin, le buste et la tête tournés du côté droit – ainsi que les positions identiques de la masse d’armes, qui repose sur l’épaule droite, et de l’écu, tenu de la main gauche.





Cependant, à côté de telles affinités flagrantes, existent des disparités tout aussi indiscutables. À titre d’exemple, nous pourrions invoquer les représentations de l’Inca Pachakuti (illustrations reproduites ci-après). Si les deux personnages portent des armes identiques – la fronde, la masse d’armes et l’écu – leurs postures en revanche sont très différentes, dynamique chez Guaman Poma, beaucoup plus statique sous le pinceau du peintre qui œuvrait au service du cardinal Massimo. Ces dissemblances nous poussent à écarter, non pas l’idée d’une filiation, mais au moins celle d’une influence directe, et confirme l’hypothèse, déjà suggérée par la comparaison textuelle, d’un échelon intermédiaire.






Fransisco Fernández de Córdova

Telle que nous venons de la formuler, l’hypothèse d’une échelon intermédiaire relève de la théorie. Elle prend un tour beaucoup plus concret lorsque nous la rapprochons d’un passage du Memorial de las historias del nuevo mundo Pirú qui évoque la dette intellectuelle de Salinas envers un parent appelé Francisco Fernández de Córdova (30). Celui-ci serait l’auteur de cahiers manuscrits où Salinas aurait puisé la matière de son premier chapitre, tant en ce qui concerne les Incas que les populations qui les ont précédés :

...Pedro Martyr de Angleria, Gonzalo Fernandez de Ouiedo, Pedro de Zieza, Francisco Lopez de Gomara, Garcia Lasso Inga, Diego Fernandez Palentino, Christoual Stella Caluete, Leuinio Apolonio, Iuan Botero, Pedro Damariz, Pedro Gordonio, Iuan Metelo, y otros muchos que cita Antonio Posseuino, en la Biblioteca, tomo segundo, libro diez y siete, y en singular el Licenciado D. Francisco Fernandez de Cordoua, natural del Pirú, Abogado de aquesta Real Audiencia de los Reyes, en sus quadernos de mano, donde con elegancia, y gran curiosidad, nos da luz de grandes antiguedades, en diuersos lugares, y a diferentes intentos refiere el, y los demas. Que por legitima sucession de sus claros primogenitores, de vnos en otros posseyeron el Pirú los Reyes Ingas, mas de quinientos y onze años; auiendole tenido antes los primeros quatro Capitanes, y caudillos en otras tantas edades. En la primera Huari Viracocha Runa. En la segunda, Huari Runa. En la tercera, Purun Runa. Y en la quarta, Auca Runa...  (31)


Lorsque nous traiterons d’Alonso de la Cueva Ponce de León, autre maillon essentiel de notre filiation, nous aurons l’occasion de relever une nouvelle preuve du rôle d’intermédiaire qu’a joué Fernández de Córdova entre Guaman Poma et les autres auteurs de généalogies incaïques.

Puisque nous nous sommes fixé l’objectif de reconstituer, autant que faire se peut, les cahiers perdus de Fernández de Córdova, quelques données biographiques ne seraient pas superflues. Le personnage, à vrai dire, n’a guère attiré l’attention des chercheurs mais deux articles lui ont tout de même été consacrés : celui de Pierre Duviols cité plus haut (note n° 30) et un article d’Aurelio Miro Quesada publié dans la Revista peruana de cultura (32). Il en ressort que ce créole péruvien est né vers 1580 à Huánuco et que sa vie se déroula sous le double signe de la haute administration coloniale et des lettres. Après de solides études effectuées au Collège San Martín et à l’Université San Marcos, et sanctionnées par les titres de bachiller et licenciado, il fut nommé avocat de l’Audience de Lima et fut investi par la suite de la responsabilité de deux corregimientos, celui de Huaylas en 1612 et celui de Huamanga (aujourd’hui Ayacucho) en 1619. On le retrouve dans un document de 1626 comme visitador (inspecteur) de la Caja Real de Trujillo.

L’activité littéraire de Francisco Fernández de Córdova nous est très imparfaitement connue du fait des zones d’ombre qui entachent sa biographie. Outre les cahiers que nous travaillons à faire revivre, on lui attribue un manuscrit intitulé Perú con armas, récit des ravages que le pirate hollandais Jacques Heremite Clerck commit sur la côte péruvienne avant d’être mis en échec au Callao en 1624. Pour le reste, on ne lui connaît que des dédicaces, telles celles qu’il adressa à Dávalos y Figueroa pour sa Miscelánea austral (Lima, 1602) ou à son maître Ramos Gavilán pour son Historia del célebre santuario de Nuestra Señora de Copacabana (Lima, 1621). L’intérêt de ces dédicaces réside moins dans leur valeur proprement littéraire que dans une exaltation de la richesse de la nature américaine et du talent de ses habitants créoles qui définit leur auteur comme un représentant précoce du créolisme littéraire. Ce faisant, Fernández de Córdova s’inscrivait dans une tradition familiale puisque la même perspective anime le célèbre récit épique El Marañón, œuvre de son père Diego de Aguilar y Córdova, qui retrace les guerres civiles du Pérou et l’odyssée de Lope de Aguirre. Elle est aussi présente, nous l’avons vu, dans la chronique de Buenaventura de Salinas y Córdova. L’affinité intellectuelle qui rapprochait celui-ci de son parent Fernández de Córdova explique que le premier ait tout naturellement emprunté au second ses éléments sur les époques pré-incaïque et incaïque.

La démarche entreprise dans cette section nous a permis, dans un premier temps, de conclure à la nécessité logique d’introduire dans notre filiation un échelon intermédiaire entre Guaman Poma, d’une part, Salinas y Córdova et le peintre de la collection Massimo, d’autre part ; puis, dans un deuxième temps, d’identifier cet échelon, dont l’existence, à ce stade, restait purement conceptuelle, à un être de chair et d’os, Francisco Fernández de Córdova. Il importe de noter que la place occupée par celui-ci dans la série des généalogies incaïques a des implications évidentes sur le destin de ses cahiers manuscrits. Ces derniers ont dû rester au Pérou jusque vers 1630, date de la publication du Memorial de Salinas, puis être envoyés en Espagne avant 1658 – ou, à défaut, une copie – pour avoir pu inspirer le peintre de la collection Massimo. Leur contenu aussi tend à se préciser. Nous pouvons être certain à présent qu’ils s’inspiraient fortement de la chronique de Guaman Poma, plus précisément des deux parties qui portent respectivement sur les quatre âges du Pérou pré-incaïque et sur les membres de la dynastie inca. Nous savons également qu’ils devaient nécessairement comporter des dessins ou des peintures, faute de quoi le peintre qui travaillait pour Massimo n’aurait pu en tirer la matière de ses aquarelles. Notons que ces illustrations devaient concerner les souverains Incas, mais aussi, selon toute vraisemblance, leurs épouses – l’une d’elles figure dans la collection Massimo – et les populations pré-incaïques, puisque le passage que Salinas leur consacre s’appuie, souvenons-nous, sur une interprétation erronée de deux dessins de Guaman Poma. L’erreur, d’ailleurs, n’est pas imputable à Salinas : elle ne peut être le fait que de celui qui a eu accès à la Nueva corónica, autrement dit Fernández de Córdova.


X : l’étape inconnue qui sépare Fernández de Córdova des aquarelles de Massimo

La présence d’une anomalie sur une aquarelle de la collection Massimo nous amène à postuler l’existence d’une intervention, de portée limitée mais indiscutable, entre l’achèvement des cahiers manuscrits de Fernández de Córdova et l’exécution du portrait en question. Celui-ci représente l’empereur nommé Inka Yupanki, absent tant dans la chronique de Guaman Poma que dans celle de Salinas y Córdova.

Dans notre travail de 2002, nous avons montré que l’intervention résultait de l’influence des Comentarios reales de l’Inca Garcilaso (33). La caractéristique la plus marquante de la généalogie incaïque qui figure dans cet ouvrage est en effet le dédoublement de l’Inca connu indifféremment sous les noms de Pachakuti et d’Inka Yupanki en deux personnages distincts.

Dans la collection Massimo, l’Inca surnuméraire est présenté comme le dixième de la dynastie, alors que ce rang, chez Guaman Poma et Salinas, est occupé par Thupa Yupanki, successeur de Pachakuti. Mais, très curieusement, cette métamorphose n’affecte que le nom du souverain car, pour le reste, le personnage qui nous est présenté correspond à celui que Guaman Poma et Salinas nous décrivent sous le nom de Thupa Yupanki. Du point de vue iconographique, le portrait de Thupa Yupanki, dans la Nueva corónica, n’est pas sans ressemblance avec l’aquarelle représentant Inka Yupanki (illustrations reproduites ci-après).






La concordance est encore plus nette au niveau textuel, si nous comparons les commentaires relatifs aux deux mêmes personnages, chez Salinas y Córdova et dans la collection Massimo :


Salinas y Córdova

El decimo Rey que le sucedió [a Pachakuti] fue su hijo Topa Yupangui. Coronose con borla azul, manta de color tornasol, orejeras de plata, y ojotas de oro, y camiseta verde. Fue rey sabio, amigo de los nobles, muy cortes con las mugeres; dando siempre a la suya mucha mano en el Imperio,…  (34)

 
Collection Massimo

El Déçimo Rey fue Ingayupanqui, que vivió, cosa increible, doçientos años. El dia de su coronaçión se puso Borla azul, camiseta tornazul, orejeras de plata, ojosas [ojotas] de oro, y manta verde, Fue savio, y amador de los nobles, y sobre todo muy cortés con la Reyna su mujer dándola mucho mano en su Imperio.  (35)

 

Nous pourrions croire que l’étape que nous avons appelée X a consisté, outre le changement d’identité du personnage, en l’ajout de la mention de sa durée de vie, proclamée égale à deux cents ans. En réalité il n’en est rien car une mention presque identique (« porque viuió (cosa increyble) más de docientos años ») figure tout à la fin du texte de Salinas, beaucoup plus long que le bref commentaire visible sur l’aquarelle consacrée à Inka Yupanki. L’intervention de X, apparemment, se réduit donc strictement à la substitution d’un nom par un autre. Elle est nécessairement postérieure à l’achèvement des cahiers manuscrits de Fernández de Córdova puisque ceux-ci ont inspiré le Memorial de Salinas y Córdova qui n’en porte pas trace. En définitive, nous ne voyons guère que deux possibilités. La première consisterait en une correction opérée avec l’intention de se conformer à la conception garcilasienne de la dynastie inca par le détenteur des cahiers, une fois ceux-ci parvenus en Espagne. La seconde, que nous jugeons tout aussi plausible, attribuerait la transformation à Massimo, lequel, ayant eu vent de l’existence des Comentarios reales de l’Inca Garcilaso, aurait demandé à son peintre de procéder à la même correction mais sans toucher à l’œuvre à reproduire (36). Nous envisageons un séjour à l’Archivio Massimo, à Rome, dans l’espoir qu’il nous permettra de trancher entre ces deux hypothèses ou, à défaut, d’en proposer une nouvelle.

Quoi qu’il en soit, en revenant à notre propos, l’étape appelée X n’aura finalement qu’une incidence très limitée sur le rôle que nous nous apprêtons à faire jouer à la collection Massimo dans la reconstitution des cahiers perdus de Fernández de Córdova. Toutes les aquarelles pourront utilement être confrontées aux illustrations et aux textes homologues des autres maillons de la filiation. Celle d’Inka Yupanki ne fait pas exception mais nous retiendrons que, pour elle, la comparaison devra porter sur des dessins et des textes relatifs à Thupa Yupanki.


Alonso de la Cueva Ponce de León

Consacré à une analyse critique des différentes présentations existantes de la dynastie incaïque, l’ouvrage intitulé Pachakuti IX (el inkario crítico), du chercheur argentin José Imbelloni (37), comporte en planche hors texte (38) une reproduction en petit format d’une généalogie incaïque qui a immédiatement attiré notre attention par ses affinités avec celles que nous avons évoquées dans les pages qui précèdent. Elle se présente sous la forme d’une gravure dont le concepteur est un ecclésiastique créole liménien appelé Alonso de la Cueva Ponce de León, membre de l’Oratoire de Saint Philippe Neri. La gravure combine les dimensions textuelle et iconographique. Sa partie supérieure est occupée par les éléments suivants : au centre, une représentation du Christ-Roi flanquée de deux blasons, l’un correspondant à l’Espagne et l’autre, censément, au Tawantinsuyu ; plus à l’extérieur, un texte comprenant un titre, EFIGIES DE LOS INGAS, O REYS del PERV con su Origen y Serie Y de los Catholicos Reyes de Castilla y de Leon, une évocation des quatre âges du Pérou pré-incaïque et des considérations générales sur les Incas ; plus à l’extérieur encore, deux portraits en pied, celui de Manqu Qhapaq, fondateur de la dynastie inca, et de Mama Waqu, son épouse. Au-dessous figurent vingt-et-un portraits qui sont ceux des souverains péruviens postérieurs à Manqu Qhapaq, indigènes jusqu’à Ataw Wallpa puis espagnols à partir de Charles Quint, le dernier de la série étant celui de Philippe V. Ils ont pour caractéristiques communes d’être de plus petite dimension que les deux premiers, exclusivement masculins, et de se présenter sous la forme d’un buste placé dans un cadre. Sous chaque cadre figure un cartouche comportant le nom du monarque et un court commentaire.

La gravure est également reproduite, mais toujours en format réduit, dans une contribution à l’ouvrage collectif intitulé Los incas, reyes del Perú, évoqué au début de ce travail (39). L’auteur situe la création de la gravure aux alentours de 1725 (40).

Faute d’avoir pu localiser un original – il doit pourtant subsister quelques exemplaires, tel celui que mentionnait le Manual del librero hispanoamericano, de Antonio Palau y Dulcet (41) –, nous devrons nous contenter des deux reproductions précitées qui présentent toutes les deux le grave inconvénient, dans notre optique comparatiste, d’être en partie illisibles, même avec l’aide d’une loupe. Néanmoins, cette difficulté peut être résolue par le recours à des sources qui, non seulement s’inspirent d’Alonso de la Cueva mais lui sont d’une rigoureuse fidélité.

Sous réserve d’apporter la preuve de cette parfaite conformité, ce que nous ferons dans les sections correspondant aux sources en question, nous utiliserons celles-ci pour pallier les insuffisances des reproductions dont nous disposons. Ainsi reconstitué, le commentaire relatif à l’Inca Mayta Qhapaq – choisi, bien entendu, pour être comparé aux textes homologues, et déjà cités ici, de Guaman Poma, de Salinas et de la collection Massimo –, s’établit comme suit :

MAYTA CAPAC INGA IV El Melancolico Conquistó a los Charcas hasta el famoso Cerro de Potosi. Hizo el celebre Puente de Apurimac para sus cõquistas. Tuvo 50 Hijos. Vivio 120 años. La Coya fue Mama Chimbo Yachi Urma. Sucediole su Hijo 


Nous retrouvons dans ce passage plusieurs précisions qui figurent simultanément dans les commentaires de Guaman Poma, de Salinas y Córdova et du peintre de la collection Massimo : le quatrième rang dans la dynastie, le caractère mélancolique du personnage, la mention de la conquête de Charcas et de celle de Potosí, ce qui nous garantit déjà l’appartenance d’Alonso de la Cueva à la même lignée que les auteurs précités. Mais il est significatif que d’autres détails ne sont présents que dans une partie seulement des généalogies incaïques évoquées dans les pages qui précèdent : les cinquante enfants du souverain (mentionnés par Salinas ; le peintre des aquarelles en mentionne pour sa part quarante-deux) ; sa durée de vie de cent vingt ans (présente chez Guaman Poma et dans la collection Massimo) ; le nom de la reine ou quya (Guaman Poma exclusivement). Quant à la référence au pont sur l’Apurímac, nous ne l’avons rencontrée chez aucun de ces auteurs. Ces divers constats posent le problème de la manière dont Alonso de la Cueva se rattache à la filiation qui nous intéresse.

Ayant été exécutée à Lima vers 1725, il est évident que la généalogie incaïque d’Alonso de la Cueva ne doit rien à la chronique de Guaman Poma de Ayala qui, depuis longtemps déjà, avait commencé son sommeil pluriséculaire à la Bibliothèque Royale de Copenhague ; et pas davantage à la collection Massimo, qui dormait du même sommeil à Rome. En revanche, il ne paraît pas a priori invraisemblable que son auteur se soit inspiré du Memorial de Salinas y Córdova. On pourrait rétorquer que ce dernier ouvrage est dépourvu d’illustrations alors que la gravure d’Alonso de la Cueva est illustrée de vingt-trois portraits. Mais l’argument ne résiste pas à l’examen. Il apparaît en effet que ces portraits n’ont guère de rapport avec ceux de Guaman Poma et de la collection Massimo. Outre le fait que ceux-ci sont en pied alors que ceux-la – exception faite de Manqu Qhapaq et Mama Waqu – se réduisent à des bustes, on chercherait en vain, dans les attitudes des uns et des autres, des convergences vraiment significatives. Qui plus est, Luis Eduardo Wuffarden, déjà cité en note n° 39, signale que le llawt’u ou turban impérial des différents Incas d’Alonso de la Cueva lui paraît s’inspirer directement de la description que fit l’Inca Garcilaso de cette parure (42). Retenons-en ce résultat important pour l’objectif que nous nous sommes fixé : le lien qui rattache Alonso de la Cueva – et, à travers lui, toutes les généalogies incaïques qui en dérivent – aux maillons antérieurs de la filiation est d’ordre exclusivement textuel.

Compte tenu de ce qui précède, au niveau textuel, rien n’interdit de retenir a priori Salinas y Córdova comme l’une des sources possibles d’Alonso de la Cueva.

À ce stade de notre réflexion, et avant de revenir à Alonso de la Cueva, il est nécessaire que nous nous intéressions à un personnage qui a joué un rôle décisif dans la conception de la gravure dont le premier est l’auteur : Juan Núñez Vela de Ribera.


Juan Núñez Vela de Ribera

Évoquant les antécédents de ce qu’il appelle le « programme iconographique » qui allait trouver son aboutissement dans la gravure d’Alonso de la Cueva, Luis Eduardo Wuffarden en attribue l’idée à un religieux métis natif d’Arequipa, Juan Núñez Vela de Ribera, dont l’activité prit une importance particulière dans la dernière décennie du XVIIe siècle (43). Cette activité se développa selon deux axes essentiels. Le premier est la volonté de faire appliquer une cédule royale promulguée par le roi Charles II qui supprimait les obstacles légaux à l’accès des Indiens à la prêtrise mais qui tardait à entrer dans les faits. C’est dans cette perspective que Núñez Vela adressa en 1693 à ceux qu’il appelait « les illustres chevaliers incas […] et tous les Indiens et Métis ses parents et amis » (44) une lettre collective où il proposait de faire apposer en l’église de la Vierge de Copacabana, à Lima, un tableau portant les noms de tous les inquisiteurs qui avaient œuvré en faveur de cette décision (45).

Le deuxième axe de l’activité de Núñez Vela, qui en réalité témoigne du même état d’esprit que le premier, nous ramène à notre propos : il s’agissait cette fois de rendre hommage au roi Charles II en tant qu’Inca, c’est-à-dire en le situant dans le prolongement d’une longue série de souverains du Pérou commençant par les membres de la dynastie autochtone et se poursuivant, à partir de Charles Quint, par ceux de la dynastie des Habsbourg. Tel fut l’objet d’une nouvelle missive collective, datée de 1694 et au titre presque identique à la première (46). Selon un mode qui nous est maintenant familier, l’auteur passait en revue les différents monarques présentés comme Incas, détaillant les caractéristiques de chacun d’eux. À nouveau, nous citerons le commentaire consacré à Mayta Qhapaq :

Maytacapac Inga IV. que quiere dezir el Poderoso, que está presente ; coronòse con borla azul, manta encarnada, camiseta blanca, y verde, salpicada de mariposas carmesies. Llamaronle el Melancolico ; y tuvo en diferentes mugeres cincuenta hijos, que se criaron con grande magestad, y pompa ; y siempre le acompañaron en la guerra ; en cuyo exercicio se mostrava muy valiente, y denodado. 


La comparaison avec les textes homologues cités jusqu’à présent débouche sur le constat d’une affinité notoire avec ceux de Salinas y Córdova, ce qui n’a rien d’étonnant si l’on remarque que Núñez Vela reconnaît expressément avoir puisé dans l’œuvre de ce chroniqueur. Il se réfère aussi à celui qu’il appelle avec déférence « el Ilustre Cavallero Mestizo Garcilaso de la Vega Inga », mais sans doute est-ce sa propre condition de métis qui le pousse à invoquer ce glorieux parrainage, car nous n’avons pas relevé de trace flagrante de l’influence des Comentarios reales. En tout cas, le souverain intrus nommé Inka Yupanki, dont nous savons qu’il a été créé de toutes pièces par l’Inca Garcilaso, n’apparaît pas dans la dynastie de Núñez Vela.

Nous n’avons pas davantage relevé de donnée qui soit caractéristique à titre exclusif d’une autre généalogie incaïque, qu’il s’agisse de celle de Guaman Poma ou de celle de la collection Massimo. Nous trouvons certes des données qui ne figurent pas chez Salinas, telles les traductions systématiques – et souvent fantaisistes – des noms des monarques, mais, en l’absence d’auteur à qui nous puissions en imputer la paternité, nous caractériserons globalement la présentation de la dynastie inca par Núñez Vela comme une variante assez libre de celle de Salinas. Dans ces conditions, et sans nier aucunement son intérêt historique, elle ne nous sera d’aucune utilité dans notre tentative de reconstitution des cahiers de Fernández de Córdova.

Après ce détour par Núñez Vela, revenons à Alonso de la Cueva qui, lui, peut contribuer notablement à la réalisation de notre objectif.


La place d’Alonso de la Cueva dans la série des généalogies incaïques

Si nous reprenons les conclusions de la comparaison des textes d’Alonso de la Cueva et des passages homologues de Guaman Poma, de Salinas y Córdova et de la collection Massimo, la différence avec Núñez Vela est manifeste : alors que ce dernier s’inspire exclusivement de Salinas, plusieurs données présentes chez de la Cueva sont irréductibles au même auteur. Il en était ainsi, en nous limitant à l’analyse des commentaires relatifs à l’Inca Mayta Qhapaq – mais le résultat est généralisable à l’ensemble de la dynastie –, de la durée de vie du souverain et du nom de son épouse. Mais comme il est absolument impossible que ces informations aient été tirées directement de la chronique de Guaman Poma ou de la collection Massimo, il faut bien nous résoudre à leur imputer pour provenance le seul chaînon restant de la filiation : Francisco Fernández de Córdova.

Une nouvelle fois, ce qui n’était initialement qu’une déduction théorique allait se trouver ratifié par les faits. Ayant pris contact avec des oratoriens de France et d’Espagne (47), nous avons appris que l’Oratoire de Lima avait été dissout mais que son fonds documentaire n’avait pas quitté la capitale péruvienne, et qu’on pouvait le consulter aux archives de l’Archevêché. Poussant plus loin notre investigation, nous sûmes que ce même Archevêché, outre un ensemble de dossiers relatifs à l’Oratoire en général, était en possession d’un dossier consacré spécifiquement à Alonso de la Cueva, rangé dans la série « Hospitales » (document 15) (48). C’est en son sein que nous allions trouver la confirmation de notre hypothèse (49).

Cette confirmation prit la forme de ce que nous appellerions aujourd’hui un « acte de naissance », que l’oratorien se fit délivrer par le Real Acuerdo de Justicia de la ville de Lima à l’appui d’une demande de séjour en Métropole. Après avoir énuméré les ascendants directs du requérant par ligne paternelle et maternelle, l’auteur du document fait état d’ancêtres plus lointains, figurant parmi les conquistadores du Pérou :


Y por vna, y otra linea, paterna, y materna, consta ser nieto, y descendiente de los primeros Cavalleros Conquistadores, y Pobladores de estos Reynos, en que hizieron muy señalados, y particulares servicios a V[uestra]. Mag[estad]. con sus personas, y caudales, gastando considerables sumas de dinero en las ocasiones que se ofrecieron en servicio de Mag[gestad]. para la pacificacion dèl, y sujecion de los rebeldes, como lo executaron Don Juan de la Cueba, Don Juan de Sandoval y Guzmàn, Andrès de la Roca, Hernando Barahona, Diego Fernandez de Cordova, y Sebastian Suarez Ponce de Leon, de quienes hazen mencion los Historiadores de estos Reynos, Abuelos todos del dicho Don Alonso… (50)


Retenons qu’Alonso de la Cueva avait pour ascendant direct un Fernández de Córdova, Diego, vraisemblablement proche parent de Francisco, auteur des cahiers manuscrits. Il apparaît maintenant évident que l’oratorien s’est inspiré directement de ces cahiers gardés dans les archives familiales (51), en faisant toutefois l’hypothèse qu’une copie en a été tirée, soit pour être conservée sur place, soit pour être envoyée en Espagne. Il en résulte que la gravure d’Alonso de la Cueva est incontestablement issue de l’œuvre inconnue de Fernández de Córdova, ce qui porte à trois le nombre de sources connues qui en sont dérivées (Salinas, collection Massimo, de la Cueva) et qui, par conséquent, sont pleinement justiciables d’une analyse comparative visant à la reconstitution des Cahiers.

Nous émettrons tout de même une réserve : s’il ne fait aucun doute que le Memorial de Salinas et la collection Massimo ont été élaborés indépendamment l’un de l’autre et qu’il en est de même des aquarelles du cardinal italien et de la gravure d’Alonso de la Cueva, on ne peut en dire autant de la dernière œuvre citée et de celle de Salinas. Nous savons en effet – Wuffarden en a apporté des preuves convaincantes – que de la Cueva a été influencé par Núñez Vela et, par ailleurs, nous avons vu que ce dernier avait comme source principale, pour ne pas dire exclusive, Salinas y Córdova. D’où l’incertitude qui plane sur les données simultanément présentes chez Salinas et de la Cueva : en l’absence d’une concordance supplémentaire, soit avec Guaman Poma, soit avec la collection Massimo, rien ne nous garantit qu’elles aient figuré dans les cahiers de Fernández de Córdova.

Dans le même ordre d’idées, la gravure d’Alonso de la Cueva porte l’empreinte visible d’une influence garcilasienne qui se manifeste notamment par la présence, dans la dynastie, d’Inka Yupanki :

INCA YVPANGVI INGA X El Bueno Penetro la Cordillera Descubrio la Prova de los Moxos Dio principio a la Grã Fortaleza del Cuzco Erigió grandes Têplos y Casas de Virgenes La Coya fue Mama Chimbo Ocllo Algunos lo confunden con su Padre no se sabe su edad Sucediole su Hijo

TOPA YVPANGVI INGA XI El Sabio Conquistador Conquisto las Provas Equinocciales hasta Quito Hizo ley contra los mêtirosos Erigio Cõsejo Real Vivio, segû sus Anales, 200 años La Coya fue Mama Ocllo Sucediole su Hijo menor por haver muerto antes los mayores 


Nous constatons que la première de ces mentions, quoiqu’elle dénonce l’influence de l’Inca Garcilaso aussi sûrement que l’aquarelle d’Inka Yupanki, diffère fondamentalement du texte porté sur cette dernière. Nous notons en particulier l’expression d’un doute (« Algunos lo confunden con su padre » ; « no se sabe su edad ») inexistant sur l’aquarelle en question. En outre, alors que celle-ci assimilait l’Inca surnuméraire à Thupa Yupanki, ici ce dernier est présent en tant que tel et garde un lien évident avec ses homologues des chroniques de Guaman Poma (52) et de Salinas y Córdova (53). En revanche, la présentation d’Inka Yupanki par de la Cueva ne présente d’affinité réelle avec aucun des Incas évoqués par ces deux auteurs. Aucun rapport, donc, avec l’intervention que, faute d’information, nous avons attribuée à X. Le contraire, d’ailleurs, eût été surprenant : celle-ci s’est déroulée à Madrid, celle d’Alonso de la Cueva à Lima.

Quoi qu’il en soit, l’influence garcilasienne perceptible chez de la Cueva est à même d’expliquer certaines données présentes sur sa gravure. Nous nous souvenons par exemple que sa mention d’un « pont sur le fleuve Apurímac », dans le passage consacré à Mayta Qhapaq, ne figurait chez aucun autre auteur de généalogie incaïque. Il est tiré des Comentarios reales : dans les chapitres dédiés au même souverain, l’Inca Garcilaso nous apprend que celui-ci, soucieux de permettre à ses armées de franchir l’Apurímac, y avait fait construire un grand pont de lianes tressées (54).

Nous terminerons cette section par quelques données biographiques sur Alonso de la Cueva (55). Créole liménien issu d’une illustre famille, celui-ci naquit en 1684 et mourut en 1754. Licencié en droit, il commença sa carrière, très jeune encore, dans l’administration militaire, où le vice-roi marquis de Castell-dos-rius le nomma assesseur et auditeur de guerre pour la Terre-Ferme et l’escadre du Pacifique (Armada del Sur). Ayant été ordonné prêtre en 1709, il remplit des charges ecclésiastiques variées, parmi lesquelles nous mentionnerons celles de vicaire général et examinateur synodal de l’évêché de Panama ; avocat des prisonniers de l’Inquisition de Carthagène et de Lima ; et enfin historiographe de l’archevêché de Lima. Dans cette dernière fonction il écrivit une volumineuse histoire de l’archevêché en six tomes qui était achevée en 1725 ; si l’ouvrage, dans sa totalité, est resté inédit, on en connaît un résumé, publié en 1873 par Manuel Tovar sous le titre d’Apuntes para la historia eclesiástica del Perú. Alonso de la Cueva est également l’auteur d’une histoire de l’installation et du développement à Lima de l’ordre dont il était membre, la Congrégation de l’Oratoire de Saint Philippe Neri (1728). Retenons de ce qui précède son appartenance à l’élite intellectuelle créole, cohérente avec cette manifestation évidente de créolisme qu’est sa gravure, à l’instar de plusieurs autres généalogies incaïques évoquées dans ce travail.


La longue postérité de la généalogie d’Alonso de la Cueva

Contrairement aux généalogies incaïques antérieures, à la diffusion très restreinte, celle d’Alonso de la Cueva allait connaître des réminiscences nombreuses et très variées. Ne nourrissons pas d’illusions sur ces multiples avatars dans l’optique de la reconstruction des cahiers de Fernández de Córdova : dès lors qu’ils ont de la Cueva pour origine, ils ne sauraient apporter de contribution supplémentaire. Néanmoins, désireux de satisfaire la curiosité du lecteur, nous énumérerons pour lui les nouveaux maillons de la filiation, le renvoyant pour de plus amples précisions à Los incas, reyes del Perú et au livre d’Imbelloni, d’où nous avons tiré l’essentiel du contenu de cette section.

Les prolongements de la gravure d’Alonso de la Cueva sont susceptibles d’être regroupés en une série de rameaux distincts :

  • Un rameau important est constitué par des tableaux dont la composition générale et les caractéristiques textuelles sont analogues à celles de la gravure mais qui s’en distinguent par leur appartenance à une tradition picturale spécifique, d’origine cuzquénienne, cultivée par des artistes indiens. Notons que cette tradition n’a pas plus de rapport que l’œuvre d’Alonso de la Cueva avec la dimension iconographique des maillons antérieurs de la filiation (Guaman Poma et la collection Massimo). Les tableaux actuellement existants sont au nombre de trois. Les deux premiers sont conservés à Lima, respectivement au musée de la cathédrale (56) et dans le couvent de Copacabana (57), le troisième à Ayacucho, au couvent de San Francisco (58). À noter que les portraits qui figurent sur cette dernière toile ne comportent d’autre commentaire que le nom du souverain et son rang dans la dynastie. Wuffarden situe indistinctement la conception des trois tableaux et de la gravure d’Alonso de la Cueva aux alentours de 1725, ce qui pose le problème de l’identité de l’œuvre originelle. En ce qui nous concerne, nous ne croyons pas possible de contester l’antériorité de la gravure : outre qu’elle attestée par des témoignages de contemporains, elle se déduit du lien qui unit les quatre illustrations aux cahiers de Fernández de Córdova, que seul de la Cueva pouvait connaître.

  • Il est remarquable que la tradition des tableaux de la dynastie inca ait survécu à l’Indépendance, avec comme conséquence l’expurgation des symboles de la domination espagnole. Ces prolongements républicains sont nombreux et ont essaimé dans les lieux les plus divers, privés ou publics. Pour les premiers, citons, sans prétention à l’exhaustivité, les collections Alex Ciurlizza (Lima) (59) et Celso Pastor de la Torre (Lima) (60) ; pour les seconds, le Musée National d’Archéologie, d’Anthropologie et d’Histoire (Lima) (61), le Museo Inka de l’Université Nationale de San Antonio Abad (Cuzco) (62), le Musée Pedro de Osma (Lima) (63), le Musée de la Nation (Lima) (64), le Museo de la Moneda (Potosí) (65) et le Staatliche Museen (Berlin) (66).

  • Un autre rameau voit le jour en 1748 avec la publication de l’ouvrage intitulé Relación histórica del viaje a la América Meridional, de Jorge Juan et Antonio de Ulloa, plus connu sous le nom de Noticias secretas de América. Le livre s’ouvre sur une généalogie incaïque due au graveur espagnol José Palomino d’après un dessin de Diego de Villanueva. Directement inspirée de celle d’Alonso de la Cueva, elle s’en distingue cependant par son décor recherché : un palais baroque aux multiples colonnades (67). Là encore, l’œuvre connaît un prolongement « républicain » sous la forme d’un tableau où le buste de Bolívar a remplacé celui de Ferdinand VI (68). Mais la gravure de José Palomino a aussi inspiré les éditeurs de la revue anglaise Gentleman’s London magazine qui ont publié une planche semblable dans le numéro 2 de l’année 1751 (69). La lignée connaît pour derniers avatars les bustes d’Incas inclus dans l’ouvrage pseudo-scientifique de l’Anglais John Ranking (1827), lequel se proposait de démontrer que les Incas étaient les descendants des empereurs mongols lancés au XIIIe siècle à l’assaut de l’Amérique à la tête de troupes accompagnées d’éléphants ! (70)

  • Très différente des généalogies précédentes est celle qui figure dans la volumineuse chronique que le créole de Potosí Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela dédia à l’histoire de sa ville (71). Intégrée à l’ouvrage au cours de l’année 1728, dépourvue de toute dimension iconographique, elle n’en est pas moins un outil de valeur en vue de la reconstruction textuelle de la gravure d’Alonso de la Cueva, comme nous le verrons bientôt.

  • Enfin, citons les portraits d’Incas qui figurent dans les Recuerdos de la monarquía peruana, de Justo Apu Sahuaraura, publiés à Paris en 1850, en nous souvenant toutefois que le manuscrit du même ouvrage dépend d’une autre tradition, rattachée au frontispice de la Década Quinta de l’Historia general de los hechos de los castellanos (1615) d’Antonio de Herrera, et, peut-être, aux portraits d’Incas envoyés en Espagne par le vice-roi Toledo (note n° 7 ci-dessus). Ecclésiastique de son état – il fut notamment chanoine de la Cathédrale de Cuzco –, Justo Apu Sahuaraura est surtout connu comme un érudit passionné par les réminiscences, tant littéraires qu’iconographiques, de l’empire inca et, plus généralement, de la culture indigène. Les liens qui unissent les portraits d’Incas de ses Recuerdos à la gravure d’Alonso de la Cueva ont été étudiés par Imbelloni (72).


Deux auxiliaires précieux : le tableau du couvent de Copacabana et la généalogie de Bartolomé Arzans de Orsúa y Vela


Les nombreuses généalogies incaïques présentées dans la section qui précède, avons-nous prévenu, ne nous serons d’aucune utilité dans notre reconstruction des cahiers de Fernández de Córdova. Nous ferons tout de même une exception pour deux d’entre elles dont la fidélité textuelle à la gravure d’Alonso de la Cueva nous permettra de vaincre la difficulté de la médiocre lisibilité des deux reproductions disponibles. La première est celle qui figure sur le tableau gardé au couvent de Copacabana (Lima). Jouissant d’un parfait état de conservation, ce tableau se trouve reproduit sur une double page de l’ouvrage intitulé Los incas, reyes del Perú, d’un format déjà respectable. Toutes les inscriptions sont donc parfaitement lisibles. La seconde généalogie utilisée dans le même esprit est celle, évoquée tout récemment, qui figure dans l’ouvrage de Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela, objet d’une édition soigneuse de Lewis Hanke et Gunnar Mendoza.

Parfois, il est vrai, apparaissent de menues divergences. Nous nous contenterons d’examiner l’une d’elles qui présente un intérêt particulier. Elle figure dans le passage relatif aux quatre âges pré-incaïques, dans la partie la plus lisible de la gravure d’Alonso de la Cueva. Voici la version de cet auteur :

Algunos Historiadores ponen, antes de estos sores Ingas, quatro Edades en que florecieron quatro famosos Capitanes el 1° Huari Viracocha Runa casado con Mama Huarmi : el 2° Huari Runa casado con Mama Pucullo : el 3° Purun Runa casado con Mama Sisac : el 4° Auca Runa casado con Mama Panchiri Sisac.


Voici à présent la version de Bartolomé Arzáns :

El padre licenciado don Alonso de la Cueva Ponce de León, de la congregación del oratorio de San Felipe de Neri, dice : "Algunos historiadores ponen antes de los señores ingas cuatro dilatadas edades en que florecieron cuatro famosos capitanes: el primero, Huari Viracocha Runa, casado con Mama Huari. El segundo, Huari Runa, casado con Mama Pucullo. El tercero, Purun Runa, casado con Mama Sísac. El cuarto, Auca Runa, casado con Mama Panquiri Sísac"  (73)


Quoique Arzáns ait présenté ce passage comme une citation textuelle d’Alonso de la Cueva, il n’en a pas moins corrigé le nom Mama Huarmi en Mama Huari, et accessoirement celui de Mama Panchiri Sisac en Mama Panquiri Sisac. Nous n’avons pas d’explication pour cette dernière correction. Pour la première, la motivation de l’auteur est évidente : natif de Potosí, située en pleine aire quechuophone, il a été en mesure de détecter l’ineptie du nom féminin Mama Huarmi – rappelons que warmi signifie « femme » – déjà présent chez Salinas y Córdova et, au vu du contexte, a jugé que le nom exact était Mama Huari. Son initiative est intéressante en ce qu’elle dénote une lecture critique de sa source.

Le réseau dense de généalogies incaïques qui entoure les cahiers perdus de Fernández de Córdova nous est maintenant connu. Il est temps de formuler nos conclusions sur la méthode qui conduira à la reconstitution de ces cahiers et les premiers résultats de son application.


Première conclusion : les sources utiles

De toutes les sources que nous avons passées en revue dans ce travail, nous en retiendrons six :

Quatre sources principales

  • L’inspirateur de Fernández de Córdova : Guaman Poma de Ayala

  • Les continuateurs directs de Fernández de Córdova :

    • Buenaventura de Salinas y Córdova

    • Le peintre de la collection Massimo

    • Alonso de la Cueva Ponce de León

Deux sources auxiliaires

  • Le tableau du couvent de Copacabana (Lima)

  • L’histoire de Potosí de Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela
utilisées exclusivement en vue de l’établissement du texte de la gravure d’Alonso de la Cueva.

Ce qui précède vaut pour la composante textuelle des cahiers de Fernández de Córdova. Pour ce qui est de leur composante iconographique, nous avons affaire à deux phénomènes spécifiques, l’absence d’illustration dans l’œuvre de Salinas y Córdova et la rupture d’Alonso de la Cueva avec la tradition iconographique antérieure, qui invalident les sources correspondantes. Seules restent donc exploitables les deux sources suivantes :

  • Guaman Poma de Ayala

  • Les aquarelles de la collection Massimo


Deuxième conclusion : le contenu iconographique des cahiers de Fernández de Córdova


Que les cahiers perdus aient comporté des illustrations ne souffre aucune discussion, mais étaient-ce des dessins ou des peintures ? Sans en avoir la certitude absolue, nous penchons pour la première éventualité, à laquelle s’accordent mieux les termes cuadernos de mano par lesquels Salinas désignait l’œuvre de son parent.

On peut tenir pour certaine la présence des illustrations qui figurent simultanément dans la chronique de Guaman Poma et dans la collection Massimo, à savoir :

  • Les Incas Manqu Qhapaq, Lluq’i Yupanki, Mayta Qhapaq, Inka Ruqa, Yawar Waqaq, Wiraqucha, Pachakuti et Thupa Yupanki, ce dernier étant nommé Inka Yupanki dans la collection Massimo.

  • La quya (impératrice) Chimpu Urma, épouse de Sinchi Ruqa.

Les illustrations dont la présence, si l’on admet que le peintre des aquarelles n’avait pas nécessairement une ambition d’exhaustivité, apparaît très probable sont les suivantes :

  • Les autres Incas.

  • Les illustrations consacrées aux quatre âges qui ont précédé l’avènement des Incas.

Et, avec un degré encore inférieur de probabilité :

  • Les autres impératrices.

Enfin, lorsque, pour un personnage donné, Inca ou quya, le dessin de Guaman Poma et l’aquarelle de la collection Massimo présentent des traits communs, on est en droit de les imputer également au dessin – ou, éventuellement à la peinture – homologue des cahiers de Fernández de Córdova. Les convergences les plus significatives concernent les personnages suivants :

  • Les Incas Manqu Qhapaq, Lluq’i Yupanki, Pachakuti et Thupa Yupanki (Inka Yupanki dans la collection Massimo).

  • La quya Chimpu Urma.


Troisième conclusion : le contenu textuel des cahiers de Fernández de Córdova


Si nous considérons une mention donnée figurant dans au moins une des sources principales retenues pour la comparaison textuelle, le degré de probabilité de sa présence dans les cahiers de Fernández de Córdova s’établira selon les principes suivants :

  • La présence sera réputée certaine si la donnée apparaît dans au moins deux sources indépendantes, c’est-à-dire dont l’auteur de l’une ne pouvait avoir connaissance de l’œuvre de l’autre et réciproquement. Sont ainsi déclarées indépendantes les sources appartenant aux couples énumérés ci-après :

    • Guaman Poma et Salinas

    • Guaman Poma et le peintre des aquarelles

    • Guaman Poma et de la Cueva

    • Salinas et le peintre des aquarelles

    • Le peintre des aquarelles et de la Cueva

  • La présence sera réputée probable si la donnée apparaît simultanément chez Salinas y Córdova et Alonso de la Cueva qui ne sont pas des sources indépendantes, le second connaissant l’œuvre du premier.

  • La présence sera réputée possible si la donnée apparaît dans une seule source principale, excepté si elle figure simultanément dans une source étrangère à la filiation présentée dans ces pages.

À titre d’exemple, nous mettons ces principes en pratique en les appliquant au cas des passages relatifs à l’Inca Mayta Qhapaq, préalablement découpés en constituants élémentaires :

Éléments dont la présence est certaine

  • El cuarto (Guaman Poma / Salinas / Massimo / Cueva)

  • Mayta Capac (Guaman Poma / Salinas / Massimo / Cueva)

  • Se coronó (Salinas / Massimo)

  • Con borla azul (Salinas / Massimo)

  • Manta encarnada (Guaman Poma / Salinas / Massimo)

  • Camiseta blanca y verde (Guaman Poma / Salinas / Massimo)

  • Salpicada de mariposas carmesíes (Salinas / Massimo)

  • Lo llamaron el Melancólico (Salinas / Massimo)

  • Muy valiente [bravo] en las guerras (Salinas / Massimo)

  • Conquistó la provincia de los Charcas (Salinas / Massimo / Cueva)

  • Hasta el cerro de Potosí (Salinas / Massimo / Cueva)

  • Dejó [grandes] riquezas (Guaman Poma / Salinas / Massimo)

  • A su[s] ídolo[s] [Huanacauri] (Guaman Poma / Salinas)

  • Vivió [murió de edad de] ciento veinte años (Guaman Poma / Massimo / Cueva)

  • Con diferentes mujeres (Salinas / Massimo)

  • Fue casado con [la coya fue] Chimbo Urma Mama Yachi [Mama Chimbo Yachi Urma] (Guaman Poma / Cueva)

Éléments dont la présence est probable

  • Tuvo cincuenta hijos (Salinas / Cueva)

Éléments dont la présence est possible

  • Criados todos con gran magestad (Salinas)

  • Acompañándole continuamente en las guerras (Salinas)

  • Al Templo del Sol (Salinas)

Appartiennent également à la catégorie des éléments dont la présence est possible tous ceux qui figurent dans la description de Mayta Qhapaq par Guaman Poma et qui n’ont pas été précédemment cités. Ils portent notamment sur l’armement du souverain (« Tenia sus armas y celada uma chuco [casque] de azul oscuro y anas pacra [casque] y su mascapaycha [frange impériale] y conga cuchuna [arme servant à couper le cou] ualcanca [bouclier] »), ses attributs vestimentaires (« De hacia arriba azul y del medio tres vetas de tocapo [bandes de motifs symboliques] y de abajo caxane [motif décoratif] »), ses caractéristiques physiques (« Y fue muy feo hombre de cara y pies y manos y cuerpo delgadito friolento muy apretado » et sa nombreuse descendance. Nous inclinerions toutefois à juger peu probable leur présence dans les cahiers de Fernández de Córdova en raison notamment de leur compréhension difficile et de leur intérêt limité pour le lecteur créole – voire européen – auquel, bien entendu, s’adressait l’auteur.

Enfin, deux éléments posent un problème particulier qui ne saurait être résolu par l’application mécanique d’une règle préétablie.

  • Le titre de Mayta Qhapaq, dans les cahiers, est-il celui d’Inca (Guaman Poma / Cueva) ou de roi (Salinas / Massimo) ? La règle de la présence concomitante dans deux sources indépendantes est ici inopérante puisque les deux termes concurrents relevés la satisfont. Dans l’impossibilité de trancher par le recours à un critère statistique, nous opterons pour le terme rey qu’Alonso de la Cueva aura remplacé par celui d’inca, bien dans le ton d’une époque où, dans le sillage des Comentarios reales, s’éveilla une véritable passion pour les anciens maîtres du Pérou.

  • La présence de la mention « Hizo el célebre puente del Apurímac para sus conquistas » chez de la Cueva laisse penser en théorie qu’elle a pu être tirée des cahiers de Fernández de Córdova. Mais comme elle est simultanément présente, nous l’avons vu, dans les Comentarios reales, le fait qu’elle provienne de cette dernière source ne nous paraît pas douteux.

 

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  • Núñez Vela de Ribera (Juan), CARTA QVE DON IVAN NVÑEZ VELA DE RIBERA, Clerigo Presbytero, Mestizo, descendiente de Indios Idolatras del Reyno del Perù, Racionero de la Santa Iglesia Cathedral de la Ciudad de Arequipa, escrive à los Cavalleros Indios, provenientes de la Estirpe Regia de los Monarcas del Perù, y à todos los Indios, y Mestizos sus Parientes, y Amigos, 1694 [document conservé aux Archives Générales des Indes (Séville), liasse « Lima 20 »].

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Notas


(1). Jean-Philippe Husson, « Les généalogies incaïques et leur filiation : où est le modèle? », in Jean-Philippe Husson (ed.), Le modèle, Actes de la journée d’études hispanistes tenue le 30 mars 2001 à l’Université de Cergy-Pontoise, Cergy-Pontoise, Centre de Recherches sur les Civilisations et Identités Culturelles Comparées des Sociétés Européennes et Occidentales (collection « Cahiers du CICC », 14), 2002, pp. 93-129.

(2). Thomas Cummins, Gabriela Ramos, Elena Phipps et al., Los incas, reyes del Perú, Lima, Banco de Crédito (coll. « Arte y tesoros del Perú »), 2005.

(3). Juan Carlos Estenssoro, « Los Incas del Cardenal : las acuarelas de la colección Massimo », Revista andina (Cuzco) 12 (2), déc. 1994, pp. 403-426.

(4). Jean-Philippe Husson, op. cit., pp. 96-99.

(5). Ce départ est attesté par une lettre adressée au roi d’Espagne par Francisco de Toledo et datée du 1er mars 1572.

(6). Les déclarations répétées du chroniqueur indien qui s’attribue l’âge de quatre-vingts ans ont été prises au pied de la lettre par la plupart de ses commentateurs qui situent en conséquence sa naissance aux alentours de 1535. En réalité, cet âge déclaré est à prendre sur le mode de la métaphore. D’autres indices, plus probants, indiquent que Guaman Poma serait né vers 1560. Il n’aurait donc eu qu’une douzaine d’années en 1572.

(7). Pour Marcos Jiménez de la Espada, ils auraient inspiré le frontispice de la Década Quinta de l’Historia general de los hechos de los castellanos (1615), d’Antonio de Herrera (Marcos Jiménez de la Espada, Tres relaciones de antigüedades peruanas, Madrid, Ministerio de Fomento, 1879, p. xxii). Le fait que cette affirmation n’est étayée par aucune argumentation nous conduit à la considérer avec prudence. Parfaitement avéré en revanche est le lien qui unit le frontispice en question à deux généalogies incaïques postérieures. La première est un dessin à l’encre ornant l’Epítome cronológico o idea general del Perú de José Eusebio del Llano Zapata, publié en 1778 (Thomas Cummins, Gabriela Ramos, Elena Phipps et al., op. cit., pp. 246-247). La seconde est un ensemble de portraits d’Incas inclus dans le manuscrit des Recuerdos de la monarquía peruana de Justo Apu Sahuaraura (1826). Curieusement, la version imprimée de cet ouvrage (Paris, 1850) comporte des illustrations qui, elles, se rattachent à la tradition à laquelle nous nous intéressons. Cette différence a été révélée par la publication d’une édition fac-similé du manuscrit (Don Justo Apu Sahuaraura Inca, Recuerdos de la monarquía peruana, Lima, Fundación Telefónica, 2001).

(8). Le titre complet de l’ouvrage est El primer nueva corónica y buen gobierno et sa date d’achèvement 1615. Parmi les nombreuses éditions parues depuis 1908, année où le manuscrit, conservé à la Bibliothèque Royale de Copenhague, fut découvert par le chercheur allemand Richard Pietschmann, citons l’édition fac-similé de Paul Rivet : Felipe Guaman Poma de Ayala, Nueva corónica y buen gobierno (Codex péruvien illustré), Paris, Université de Paris, Institut d’Ethnologie (coll. « Travaux et mémoires de l’Institut d’Ethnologie », 23), 1936.

(9). Titre abrégé par lequel nous désignerons désormais la chronique de Guaman Poma.

(10). Jean-Philippe Husson, op. cit., pp. 121-122. Deux arguments plaident avec force en faveur de l’origine préhispanique d’une telle pratique : l’absence de tradition équivalente dans le reste de l’empire espagnol d’Amérique, notamment au Mexique, et la coutume péruvienne préhispanique consistant à porter en procession, sur des litières, les momies des membres de la dynastie incaïque.

(11). Pour tenter d’expliquer pourquoi à un Inca donné était associé un costume unique aux couleurs immuables, les auteurs qui se sont inspirés de Guaman Poma se sont sentis dans l’obligation d’ajouter systématiquement que cet habit était porté lors du couronnement du personnage en question.

(12). Martín de Murúa, Historia del origen y genealogía real de los reyes Incas del Perú, introduction et notes de Constantino Bayle, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Instituto Santo Toribio de Mongrovejo (coll. « Biblioteca Missionalia Hispanica », 2), 1946.

(13). Martín de Murúa, Historia general del Perú, origen y descendencia de los Incas, introduction et notes de Manuel Ballesteros Gaibrois, Madrid, Instituto Gonzalo Fernández de Oviedo (coll. « Joyas bibliográficas; Bibliotheca Americana Vetus »), 2 tomes, 1962, 1964.

(14). Cette datation a été proposée par Manuel Ballesteros Gaibrois dans son introduction à une réédition du manuscrit Wellington (Martín de Murúa, Historia general del Perú, Madrid, Historia 16 (coll. « Crónicas de América », 35), 1987, p. 8).

(15). Ainsi, le patronyme du religieux mercédaire est systématiquement orthographié « Morua », soit la forme erronée qu’utilise le chroniqueur indien – la connaissance mutuelle des deux hommes est un fait avéré – dans son propre ouvrage (Juan M. Ossio, « El original del manuscrito Loyola de Fray Martín de Murúa », Colonial Latin American Review (New York) 7 (2), déc. 1998, p. 277).

(16). Ibid., p. 275.

(17). Buenaventura de Salinas y Córdova, Memorial de las historias del nuevo mundo Piru, Lima, Universidad Nacional Mayor de San Marcos (coll. « Clásicos peruanos », vol. 1), 1957.

(18). Pour plus de précisions sur la biographie de Salinas, on se reportera à la substantielle étude de Warren L. Cook qui constitue l’introduction de l’édition référencée à la note précédente (pp. xxix-lxxiii).

(19). Felipe Guaman Poma de Ayala, op. cit., p. 99.

(20). Buenaventura de Salinas y Córdova, op. cit., p. 16.

(21). Circonstance qui milite en faveur de la thèse, évoquée plus haut, de l’influence qu’aurait eue sur Guaman Poma l’observation des « processions d’Incas », composante importante des fêtes péruviennes coloniales.

(22). Buenaventura de Salinas y Córdova, op.cit., p. 13.

(23). Felipe Guaman Poma de Ayala, op. cit., p. 48.

(24). Ibid., p. 53.

(25). Ibid., p. 54.

(26). Le premier de ces dictionnaires est de Guardia Mayorga, qui definit pukullu como une « Habitación pequeña de piedra de una sola entrada, que se construyó en los tiempos primitivos », ajoutant que « Actualmente se da este nombre al gallinero o a la conejera, hecho en la forma indicada » (César A. Guardia Mayorga, Diccionario kechwa-castellano ; castellano-kechwa, 5ème éd., Lima, Los Andes, 1971, p. 112). Sa définition est corroborée par celle de Perroud et Chouvenc : « Habitación primitiva de piedra. Lo aplican al gallinero, conejera » (Pedro Clemente Perroud, Juan María Chouvenc, Diccionario castellano kechwa, kechwa castellano : dialecto de Ayacucho, Santa Clara, Perú, Seminario San Alfonso, 1972, p. 140).

(27). Cette activité de collectionneur, dont Camillo Massimo a tiré sa célébrité, a fourni la matière de l’ouvrage collectif suivant : Marco Buonocore, Beatrice Cacciotti, Tommaso di Carpegna Falconieri et al., Camillo Massimo collezionista di antichità ; Fonti e materiali, Rome, « L’erma » di Bretschneider (coll. « Xenia Antiqua ; Monografie », 3), 1996.

(28). Juan Carlos Estenssoro, op. cit., p. 409.

(29). Ibid., p. 413.

(30). Il faut mentionner ici un article de Pierre Duviols qui évoque l’influence probable de Fernández de Córdova sur d’autres auteurs (Pierre Duviols, « Guaman Poma, historiador del Perú antiguo : Una nueva pista », Revista andina (Cuzco) 1 (1), sept. 1983, pp. 103-115). Deux circonstances empêchèrent toutefois Duviols de tirer pleinement profit de sa découverte : d’une part, son étude ne portait que sur une comparaison de Salinas et Guaman Puma ; d’autre part, il en tirait la conclusion que Fernández de Córdova était la source commune des ces deux chroniqueurs.

(31). Buenaventura de Salinas y Córdova, op. cit., p. 8.

(32). Aurelio Miro Quesada S.[osa], « Francisco Fernández de Córdoba, criollo del Perú », Revista peruana de cultura (Lima) (1), mars-juin 1963, pp. 18-28.

(33). Jean-Philippe Husson, op. cit., pp. 108-111.

(34). Buenaventura de Salinas y Córdova, op. cit., p. 19.

(35). Juan Carlos Estenssoro, op. cit., p. 413.

(36). Il nous paraît invraisemblable, en revanche, que le peintre de l’aquarelle ait pu prendre l’initiative de cette correction.

(37). José Imbelloni, Pachakuti IX (el inkario crítico), Buenos Aires, Humanior (coll. « Biblioteca del americanista moderno »), 1946. Du fait de son thème qui recoupe largement nos préoccupations, cet ouvrage nous a été fort utile. À noter cependant que la filiation qui nous intéresse n’y est mise en évidence qu’à partir d’Alonso de la Cueva, laissant dans l’ombre tous les maillons antérieurs au xviiie siècle.

(38). Il s’agit de la planche hors-texte n° 4, insérée entre les pages 224 et 225.

(39). Luis Eduardo Wuffarden, « La descendencia real y el "renacimiento inca" en el virreinato », in Thomas Cummins, Gabriela Ramos, Elena Phipps et al., op. cit., p. 233.

(40). Ibid., p. 232.

(41). Antonio Palau y Dulcet, Manual del librero hispanoamericano, 2ème éd., Barcelone, Palau, 1951, t. 4, p. 231.

(42). Luis Eduardo Wuffarden, op. cit., p. 238.

(43). Ibid., pp. 231-232.

(44). Lui-même se proclamait descendant de l’Inca Sinchi Ruqa (ibid., p. 231).

(45). CARTA QVE DON IVAN NVÑEZ VELA DE RIBERA, Clerigo Presbytero, Mestizo, Descendiente de Indios Gentiles Idolatras del Reyno del Perù, Racionero de la Santa Iglesia Cathedral de la Ciudad de Arequipa, escrive à los Ilustres Cavalleros Ingas, Provenientes de la Estirpe Regia de los Monarcas del Perù ; y à todos los Indios, y Mestizos sus Parientes, y Amigos (Archives Générales des Indes (Séville), liasse « Lima 20 »).

(46). CARTA QVE DON IVAN NVÑEZ VELA DE RIBERA, Clerigo Presbytero, Mestizo, descendiente de Indios Idolatras del Reyno del Perù, Racionero de la Santa Iglesia Cathedral de la Ciudad de Arequipa, escrive à los Cavalleros Indios, provenientes de la Estirpe Regia de los Monarcas del Perù, y à todos los Indios, y Mestizos sus Parientes, y Amigos (loc. cit.).

(47). Nos remerciements vont, pour les indications qu’ils ont bien voulu nous donner au cours de cette phase préliminaire, aux Pères Pierre Clavel et Boleslaw Jakubczik, supérieurs des Oratoires de Paris et d’Alcalá de Henares respectivement.

(48). Classement en apparence insolite mais qui s’explique par le contenu du dossier, lequel tourne autour d’un litige portant sur la gestion de l’hôpital de San Pedro.

(49). Le dépouillement de ce fonds d’archives à été effectué en juillet 2001. Nous tenons à remercier Madame Laura Gutiérrez Arbulu, conservatrice des archives de l’Archevêché, pour son aide inestimable.

(50). Conde de la MONCLOVA et al., « INFORME A SU MAGESTAD DEL REAL Acuerdo de Justicia, de la Ciudad de Lima, Por el Licenciado Don Alonso de la Cueba », in SEÑOR. AViendome retirado à la Congregacion del Oratorio de San Phelipe Neri de esta Ciudad de Lima… [dossier présenté par Alonso de la Cueva Ponce de León], f. 18 recto (f. 277 recto dans le document 15 de la série « Hospitales », Archivo Arzobispal de Lima).

(51). Saluons l’intuition lumineuse de Luis Eduardo Wuffarden qui avait entrevu cette éventualité : « Estos manuscritos [ceux de Fernández de Córdova] se hallan hoy perdidos, pero no sería raro que Cueva llegara a ubicarlos en sus investigaciones de archivo » (Luis Eduardo Wuffarden op. cit., p. 238).

(52). Felipe Guaman Poma de Ayala, op. cit., p. 1101 [111].

(53). Buenaventura de Salinas y Córdova, op. cit., pp. 19-20.

(54). Inca Garcilaso de la Vega, Comentarios reales de los Incas, édition de Aurelio Miro Quesada, Caracas, Biblioteca Ayacucho, 1985, t. 1, livre 3, chap. 7, p. 135.

(55). Nous avons tiré ces données biographiques de l’ouvrage de Manuel de Mendiburu (Diccionario histórico-biográfico del Perú, t. 4, CAR-EYZ, Lima, Impr. Enrique Palacios, 1932, pp. 326-328 [1ère éd. : Lima, Impr. J. Francisco Solís, 1874-1890. 8 t.]) et de ceui de José de la Riva Agüero (La historia en el Perú. Tesis para el doctorado en letras, 2ème éd., Madrid, Maestre, 1952, pp. [339]-341).

(56). Reproduit dans l’article de Wuffarden, op. cit., p. 238 et, en partie, sur la jaquette de l’ouvrage.

(57). Reproduit dans l’article de Wuffarden, op. cit., pp. 236-237.

(58). Reproduit dans l’article de Wuffarden, op. cit., p. 239.

(59). Généalogie incaïque (1825-1830) reproduite dans l’article de Natalia Majluf (« De la rebelión al museo : Genealogías y retratos de los incas, 1781-1900 », in Thomas Cummins, Gabriela Ramos, Elena Phipps et al., op. cit., p. 269).

(60). Paravent décoré d’une généalogie incaïque, Cuzco, 1837 (ibid., p. 284).

(61). Généalogie incaïque de Tomás Rojas Negrón, 1868 (ibid., p. 271) et série de portraits de l’ensemble des souverains, Cuzco, 1850-1875 (ibid., pp. 296-297).

(62). Toiles représentant Manqu Qhapaq et Mama Rawa Uqllu, Cuzco, 1835-1840 (ibid., pp. 286-287).

(63). Généalogie incaïque, Cuzco, 1835-1845 (ibid., p. 292).

(64). Série de quinze estampes (ibid., pp. 306-307).

(65). Tableau intitulé « Dinastía de los incas » de Mariano Florentino Olivares, La Paz, 1880, inspiré de l’œuvre de Justo Apu Sahuaraura (ibid., pp. 262-263).

(66). Série de seize peintures sur toile de coton, Cuzco, 1835-1845 (ibid., p. 295).

(67). Reproduit dans José Imbelloni (op. cit., pl. h. t. n° 5, entre les pp. 224 et 225) et dans Luis Eduardo Wuffarden (op. cit., p. 241).

(68). Natalia Majluf, op. cit., p. 277.

(69). José Imbelloni, op. cit., pl. h. t. n° 5, entre les pp. 224 et 225.

(70). John Ranking, Historical researches on the conquest of Peru, Mexico, Bogota, Natchez, and Talomeco, in the thirteenth century by the mongols, accompanied with elephants ; and the local agreement of history and tradition, with the remains of the elephants and mastodontes, found in the new world, Londres, Longmann, Rees, Orme, Brown and Green, 1827. Les quatorze portraits d’Incas figurant dans cet ouvrage sont reproduits dans celui de José Imbelloni (op. cit., pp. 222-224).

(71). Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela, Historia de la villa imperial de Potosí, édition de Lewis Hanke et Gunnar Mendoza, Providence, R.I., USA, Brown University Press, 1965, vol. 3, pp. 265-267.

(72). José Imbelloni, op. cit., pp. 227-231. Le passage inclut les reproductions des seize portraits.

(73). Bartolomé Arzáns de Orsúa y Vela, op. cit., vol. 3, p. 265.