Hommage à Raymond Cantel


Pierre Brugier
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Les quelques mots que j’ai envie d’exprimer à propos de Raymond Cantel sont ceux d’un disciple, ou plutôt ex-disciple évoquant la mémoire de son illustre maître. J’ai en effet eu le privilège de bénéficier de ses cours à la fin des années 60 ! Je revois la vieille Faculté des Lettres, l’Hôtel Fumé, la rue de la Chaîne, au cœur du Poitiers médiéval, et puis ce petit bonhomme, toujours en costume foncé (gris anthracite ou noir), le crâne parsemé de rares cheveux blanchis, ses petites lunettes cerclées de métal, sortant de temps en temps de sa poche des notes prises à la hâte. J’entends sa voix, je le vois se déplacer dans ce petit bureau du Doyen de la Fac (car nous avions cours dans son bureau !), transmettre son savoir à trois étudiants « égarés » en licence de Portugais. Eh oui, trois étudiants qui avaient commencé à étudier la langue portugaise au Lycée Henry IV, en classe de seconde et qui continuaient à la Faculté, alors qu’à cette époque, il n’y avait pas encore de concours ! Mais nous étions passionnés, nous venions pour le plaisir ; moi je sortais d’études avortées à la Fac de Droit et je continuais ainsi mon histoire d’amour avec le Portugais ! Je n’imaginais pas qu’un jour, j’allais aussi enseigner cette langue et la Culture qu’elle véhicule.

Mais notre maître nous parlait du Padre Vieira… nous parcourions le Nordeste, nous découvrions, fascinés, l’existence d’Antônio Conselheiro, du Padre Cícero, de Lampião et de Maria Bonita… Le cordel, les repentistas… La vie des retirantes de Vidas Secas (pour moi le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre de la littérature nordestine). Il nous transmettait tout cela, lui, le grand Maître parmi ses disciples !

Lors de ma première visite au Brésil, je n’ai pu m’empêcher de commencer par le Nordeste, d’aller sur les traces de Raymond Cantel. Partant de Recife et de S. Salvador, je suis passé par Juazeiro do Norte où je me suis mêlé au flux permanent de pèlerins venant de toutes parts, puis par Cajazeiras, Caruaru (sa foire où j’ai pu acheter les folhetos du cordel…) Ouricuri….Canudos… j’ai erré donc, dans les états du Ceará, du Pernambuco, du Sergipe, da Baía ….

Et puis un beau jour de 1974, sur le conseil d’un autre de mes maîtres, j’ai choisi de transmettre moi aussi cette culture lusophone ! Le grand Raymond Cantel avait accompli une de ses tâches de maître ; il m’avait transmis la passion indéfectible qui allait me posséder et me faire vivre jusqu’à maintenant.

Merci Monsieur le Professeur !